DSK adulé à droite



DSK adulé à droite

Le directeur du FMI a la cote à droite. Avec 76 % d’opinion favorable chez les sympathisants de droite, il pulvérise son record de popularité. Dominique Strauss-Kahn séduit les militants UMP. Quelles sont les raisons d’un tel succès ?

Votez pour DSK en 2012 ? « Pourquoi pas » répondait mardi la secrétaire d’Etat à la ville Fadela Amara. La semaine dernière, c’est François Baroin, le très chiraquien ministre du logement qui lâchait « Strauss Kahn, il est intelligent » suite aux déclarations de Dominique Strauss-Kahn sur la réforme des retraites.
Sur le plateau de France 2, le directeur général du FMI s’est démarqué du projet socialiste, en estimant que si « on vit 100 ans, on ne va pas continuer à avoir la retraite à 60 ans ». « Une position parfaitement réaliste et pertinente », reconnaît Sandra Blanchart, responsable des jeunes UMP des Bouches-du-Rhône.  Une déclaration qui conforte Strauss-Kahn dans son rôle de représentant de la gauche réformiste. Une gauche du réel et non du rêve, plus proche des partis de gauche européen. Et cela plait à Samuel, sympathisant de droite: « Il ne fait pas gauchiste, il ne fait pas peur à la droite comme Martine Aubry ou Bernard Thibault ! ». Un repositionnement logique. « On ne peut pas faire l’ultra-libéral au FMI et le socialiste en France » estime Sandra Blanchart.

« DSK plait car c’est l’anti-Aubry » explique un politologue. Sous le gouvernement Jospin, les deux socialistes se sont affrontés. Martine, la « dépensière » au Ministère du travail, Dominique l’« inflexible » au Ministère de l’économie. Il se rapproche du monde de l’entreprise et du patronat. Alors que la dame des 35 heures apparaît aujourd’hui comme « une apparatchik », Strauss-Kahn est lui perçu comme un libéral  atlantiste. Son expérience de gestionnaire à la tête du FMI rassure. Pour Aïda, militante UMP depuis 2007, « c’est la preuve qu’il est dans le système ».

Au-delà du fond, DSK est perçu comme quelqu’un de « posé », « rassurant ». « Son statut d’expert est idéal pour rassurer les Français dans la crise actuelle » analyse Alexandre, militant UMP depuis 10 ans. Digne représentant de la gauche caviar, l’ancien ministre est perçu comme «bling-bling » mais « il le cache bien mieux que Sarkozy » s’amuse Alexandre. 

Si ses positions économiques sont connues, le président du FMI ne s’est pas encore exprimé sur les autres réformes en cours. Un bon moyen de se préserver. « Il est libéral économiquement parlant, mais la droite c’est aussi des valeurs fortes comme le mérite, la famille, le travail et je ne suis pas certaine que ce soit des valeurs défendues par DSK » ajoute Sandra Blanchard. S’il veut remporter les primaires socialistes, DSK va devoir se positionner, se démarquer et surement critiquer le bilan de Nicolas Sarkozy. Après avoir séduit la droite, DSK doit convaincre à gauche. L’ultime défi, s’il veut s’imposer en 2012.

Banlieues: les doléances des maires


Les doléances des maires de banlieues


« Enclavement, chômage, échec scolaire, mal logement, pénurie des services publics ». C’est le constat que dressent 46 maires de quartiers sensibles dans une Lettre à ceux qui ignorent les banlieues. Ils attendaient, mardi, l’annonce de mesures concrètes par le Premier ministre, François Fillon. Ils vont devoir attendre 2011.


« Il faut agir vite, sinon nos banlieues vont exploser ». Claude Dilain, maire PS de Clichy-sous-Bois et président de l’association Ville et banlieue, s’inquiète de la dégradation de la situation dans les banlieues sensibles. A défaut de la grande réforme attendue par les maires des quartiers, le gouvernement s’est contenté de relancer le Conseil National des Villes qui existe pourtant depuis 1988. Rédacteur de la Lettre à ceux qui ignorent les banlieues, M. Dilain estime que sept domaines requièrent une action rapide des pouvoirs publics afin d’endiguer le cercle vicieux qui entraîne ces quartiers vers le bas.

Education
Les établissements scolaires des banlieues sensibles accueillent 10% des étudiants français. Leur retard scolaire est visible dès la 6e. Professeurs remplaçants, classes surchargées gênent l’apprentissage. Le niveau social des parents est un facteur déterminant, selon l’ONZUS (Observatoire national des zones urbaines sensibles). 62% des élèves inscrits dans ces établissements vivent dans des foyers défavorisés. A la sortie du système scolaire, 66% des jeunes actifs de moins de 20 ans n’ont pas de diplôme. L’association Ville et Banlieue préconise un fort investissement de l’Etat dans la formation tant professionnelle qu’initiale.

Emploi
Dans les 751 quartiers éligibles à la politique de la ville, le taux de chômage atteint les 22%, contre 10% sur le territoire national. Le chômage touche deux fois plus de jeunes que dans les autres quartiers. Les habitants de ces communes sont très dépendants des aides sociales. A Rillieux-la-Pape (Rhône) sur 100 personnes qui accèdent à un logement social, 18% survivent grâce aux minima sociaux contre 8% en 2000. « La situation se détériore, la population se précarise », analyse Renaud Gauquelin, maire de Rillieux-la-Pape, « il y a de plus en plus de familles monoparentales en grande difficulté ».

Santé

Le taux de morbidité, plus élevé qu’ailleurs prouve que l’accès aux soins reste difficile dans les banlieues. Les professionnels de santé sont sous-représentés. Il y a trois fois moins d’infirmiers que dans les autres villes. Les médecins aussi sont peu présents et la Couverture Maladie Universelle n’est pas toujours acceptée. Une solution possible : développer des centres de santé de proximité.

Equipements sportifs
Les espaces de loisirs, essentiels à l’épanouissement de la population, sont rares dans les quartiers difficiles. A Argenteuil (Val-d’Oise), la piscine municipale n’a pas été rénovée depuis 1964. A Sarcelles (Val-d’Oise), la mairie fait construire un circuit de F1. « Création plus que discutable », s’insurge Daniel Blanc, directeur d’une association d’aide à l’emploi et au logement de Sarcelles, « il faudrait dépenser notre énergie pour des équipements culturels et sportifs accessibles à tous ».

Sécurité
« Le problème n’est pas la sécurité », explique Claude Dilain, « personne n’est pour l’insécurité » mais elle découle de la situation générale de ces villes. Pour M. Dilain, il faut agir à la source en investissant dans l’éducation, le logement, l’emploi et la santé.

Logement
8 millions d’habitants vivent dans les quartiers sensibles. Ces villes regroupent l’essentiel des logements sociaux et dépassent souvent le quota de 20% imposé par l’Etat. Le maire de Rillieux-la-Pape, Renaud Gauquelin, compte 57% de logements sociaux dans sa commune dont 75% dans la ville « nouvelle ». Mais ce type d’habitat coûte cher aux villes défavorisées en pompant sur leurs budgets en piteux état.


Finances locales
« La question est de savoir si l’on donne à ces communes les plus pauvres des moyens égaux à ceux des autres ! », s’insurge Claude Dilain. Il affirme avoir des moyens « trois à quatre fois inférieurs à ceux d’autres villes ». Le maire d’Argenteuil a même organisé, le 7 mai dernier, un conseil extraordinaire devant la sous préfecture du Val-d’Oise, pour dénoncer le désengagement de l’Etat et les coupes financières dans l’ensemble des services publics. Les maires souhaitent que l’état garantisse leurs ressources, en tant que garant de la solidarité nationale. « Si je ne touche plus d’aides, je ferme la maison ! », menace le maire de Rillieux-la-Pape.


article co-écrit avec Sophie Noachovitch.
Photo: Un quartier de Sarcelles


30 ans d’échec de la politique de la ville

Voilà plus de trente ans que les pouvoirs publics tentent de remédier aux maux des quartiers. D’abord regroupée sous le nom d’« actions pour le développement social des quartiers », il faut attendre 1991 pour que la politique de la ville ait un ministère propre. 11 ministres s’y succèderont en 17 ans. Le plus célèbre, Bernard Tapie, démissionnera trois jours après avoir proposé son plan pour les banlieues en 1992. Chaque ministre y est allé de son appellation: Des ZEP (Zone d'éducation prioritaire lancée en 1981) au PNRU (programme de rénovation urbaine) en passant par ZRU (Zone de redynamisation urbaine) les ZFU (Zone franche urbaine) ou les CUCS (contrats urbains de cohésion sociale). Depuis, les moyens utilisés ont été énormes. 840 millions d'euros sur six ans pour les grands projets de villes en 1999, 30 milliards d’euros sur cinq ans pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine crée en 2003, 500 millions d’euros annuels pour l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances crée en 2007. Pour quel résultat ? « La politique de la ville a été marquée par l'imprécision des objectifs comme de sa stratégie et par une volonté d'affichage qui conduit à la mise en œuvre périodique de nouveaux dispositifs" estimait la Cour des comptes dans un rapport en 2002. Rien de nouveau depuis. En cause : insuffisances, surcoûts et autres dysfonctionnements. Un empilement de mesures qui n'a jusqu’à présent pas réussit à réduire l’ampleur de la ségrégation sociale et ethnique dans les quartiers.

Enquête dans le monde de la télé


Enquête


Les secrets de fabrication
de vos émissions télé




Le printemps, les vacances d’été, puis la rentrée… chaque moment de l’année est l’occasion idéale pour lancer de nouvelles émissions sur le petit écran. Après le come back de la Roue de la Fortune, puis de Tournez manège sur TF1, c’est au tour de France 3 de ressortir prochainement des tiroirs Fa Si La Chanter. De son côté, la Chaîne Parlementaire vient de lancer une émission politique d’un nouveau genre, où des jeunes interpellent en face à face un homme politique en le recevant chez eux ou dans leur entreprise. On n’est pas très loin des causeries au coin du feu du Président Giscard d’Estaing en… 1975 ! La télévision est un éternel recommencement (mais ça on le savait déjà !). Mais que ce soit pour un nouveau concept ou une remise au goût du jour, tout est savamment pensé, analysé et testé à l’avance. Coup de projecteur sur ces étapes de conception que l’on vous cache. 

Tout commence dans les sociétés de production. On en compte plus de 1200 en France. Le producteur est le plus souvent un petit entrepreneur : 60% des sociétés emploient moins de 20 personnes. Même si, depuis quelques années, de grandes multinationales comme Endemol ou Fremantle, filiale du groupe RTL, apparaissent sur le marché. Tout va très vite, une émission peut se créer en un mois. Il faut dire que la visibilité ne permet guère au producteur de regarder au-delà de six mois à un an.

Un pitch pour convaincre les chaînes
Première étape : les producteurs conçoivent un «  pitch » qui devra convaincre les responsables des programmes des chaînes. L’objectif ? Se distinguer  des 500 autres projets reçus dans l’année par certaines unités. Comment ?  En ramassant sur quelques lignes ou quelques mots, de manière efficace et percutante la promesse du programme. Une fois cette étape passée, on demande au producteur de fabriquer un prototype de l’émission. C’est ce qu’on appelle le pilote. Très abouti, animateurs, décor, musique sont déjà en place, il est là pour donner envie à la chaîne de l’acheter et de le diffuser. Le pilote devient alors une vitrine de la boîte de production.

Des relations ambiguës
Certaines boîtes de productions ont des contrats exclusifs avec une chaîne. C’est le cas d’Endemol avec TF1 pour son acces prime time (18-20h). NRJ 12 travaille régulièrement avec Ah ! Production, une société spécialisée dans les programmes de divertissement. Quand NRJ 12 commande un concept à cet intermédiaire, elle est quasiment sûre d’acheter une émission qui correspondra à ses attentes ainsi qu’à celles de ses téléspectateurs.  Ah ! Production, par exemple,  développe pour le mois de juin une série d’émissions de 52 minutes avec l’acteur, Said Taghmaoui. Une caméra le suivra dans ses déplacements aux États-Unis, à Los Angeles, et au Maroc. La société prendra ensuite contact avec la chaîne la plus susceptible d’être intéressée par l’idée. C’est de cette façon que cette société a créée et réalisé Fans des années 80, présentée par Laurence Boccolini. « Nous sommes trois au développement. Nous nous inspirons de tout. De ce qui se passe à l’étranger. De la presse. Les idées peuvent venir en fonction de la chaîne pour laquelle nous voulons travailler », explique Antoine Henriquet, le directeur de la société.

La trash attitude
Les boîtes de production peuvent aussi racheter un concept à l’étranger.  « C’est ce qu’il  y a de plus simple », selon M. Henriquet. Si le « programme a eu du succès dans un autre pays, nous sommes à peu près sûrs qu’il sera bien accueilli en France. Nous rachetons surtout les audiences de l’émission », ajoute-il.  Mais les émissions sont rarement diffusées telles quelles en France. « Les programmes américains sont beaucoup plus trash. Les émissions importées sont généralement revues à la sauce française pour qu’elles fonctionnent dans l’hexagone » confie Kévin Vatant, rédacteur en chef de morandini.com, site Internet d’informations sur les médias. La boîte de production acquiert les droits d’auteur du concept étranger. Elle les possède ensuite en exclusivité pour six mois, période pendant laquelle elle doit les revendre à une chaîne française. « J’essaye aussi d’avoir des coups d’avance en repérant des concepts à l’étranger avant même qu’ils soient produits. Nous travaillons avec deux sociétés américaines avec laquelle nous échangeons des idées », explique le producteur. Ces processus concernent surtout les chaînes privées. Elles ont comme impératif de survie d’être rentable. Une forte audience est donc indispensable.


L’exception France Télévision
France Télévisions n’est pas soumise à ces contraintes. Une émission peut  rester sur une chaîne du service public même si son audience est faible. Vous aurez le dernier mot de Franz Olivier Gisbert sur France 3 ne recueille que 5 % de parts d’audience mais conserve son créneau horaire. En revanche, Campus sur la même chaîne a été reléguée sur une chaîne du groupe sur la TNT, ne réalisant que 8 % de parts d’audience. Le service public délivre un « cahier des charges » à chaque chaîne. Il répertorie l’ensemble des créneaux horaires d’une journée et doit compter un nombre précis d’émissions de culture, de divertissement, de science, etc. Un pilote n’est pas systématiquement tourné avant la diffusion de l’émission, et lorsque c’est le cas, il correspond plus à une répétition générale. La plupart des émissions du groupe France Télévisions sont produites en interne, ce qui n’est quasiment pas le cas des chaînes privées.

Pour la mise à l’antenne, le jugement le plus délicat reste celui des téléspectateurs. Du générique, au décor, en passant par l’animateur, chaque étape de l’émission est passée au crible. Les chaînes peuvent débourser jusqu’à 12 000 euros, pour tester leur concept sur un panel d’individus. Une première évaluation qualitative s’effectue par groupe de 8 ou 9 personnes représentant le cœur de cible de l’émission. Les analystes recueillent auprès de ces panels de téléspectateurs, les réactions brutes après diffusion du programme. « Le visionnage peut se faire dans une salle commune, mais le plus souvent, il s’agit de regarder le programme chez soi dans les conditions les plus réelles possibles », explique Pierre Gaillardon, responsable des études dans l’institut de sondage, Qualiquanti. Pour une émission destinée à être diffusée à 18h, une mère au foyer peut alors expliquer si elle a pu suivre le programme alors qu’elle avait ses enfants auprès d’elle. A-t-elle réussi à gérer le bain des enfants, les devoirs et le repas du soir en même temps ?

Pour les chaînes à plus gros budget, une analyse sémiologique supplémentaire est possible. Un sémiologue décrypte les différentes expressions et les réactions des candidats à une émission. Ces signaux peuvent être en contradiction avec les objectifs de la chaîne et permettent de mieux décoder le discours des téléspectateurs. Pourtant, Pierre Gaillardon, s’étonne : «certains concepts qui ont réussi les tests ne passent jamais à l’antenne. A l’inverse, d’autres moins réussis sont diffusés, sans que les modifications préconisées par l’institut de sondage n’aient été appliquées ». Malgré un processus très sélectif et rationnel, il reste donc bien une part de mystère dans la recette des émissions télévisées.

Des millions d’euros en jeux
« Le problème en télé est la durée entre le développement et la vente. Seul un dossier sur 50 aboutit à une diffusion. Les chaînes achètent peu pendant l’année. Une chaîne comme TF1 n’a pas lancé beaucoup de nouvelles émissions en 2010 », explique Antoine Henriquet. La frilosité des chaînes n’est pas la seule en cause. Certaines d’entre elles ont connu des échecs cuisants malgré la conception d’un pilote et les différents tests qu’il a subis
Sachant qu’un pilote coûte entre 2 000 et 3 000 euros pour une émission sur la TNT et « plusieurs millions d’euros pour une émission comme la Star Academy », selon Kévin Vatant, la facture était salée pour la sixième chaîne.
Acheter une émission, c’est-à-dire un pilote, à une boîte de production constitue une énorme prise de risque pour une chaîne de télévision. Heureusement pour elles, ce type d’échec est rare et la plupart des pilotes validés deviennent de véritables succès d’audience.


Article co-écrit avec Sophie Noachovitch