Faut-il être « friqué » pour avoir une vie nocturne ?


Faut-il être « friqué » pour avoir une

vie nocturne ?


Avec des tarifs de 13 et 20 euros l’entrée, de 10 à 20 euros la consommation, et jusqu’à 200 euros la bouteille de champagne, le Social Club et le Queen, boîtes de nuit huppées de la capitale, mettent en lumière le côté « select » de la nuit. Des prix exorbitants, déconnectés des portemonnaies étudiants.

Une fois le loyer payé, il resterait en moyenne aux étudiants parisiens 350 euros par mois pour vivre. D’autant que la crise est passé par là. D’après une enquête Ipsos réalisée en 2009 pour le Crédit Agricole, plus de 4 étudiants sur 10 déclarent qu’en raison de la crise économique, ils ont plus de difficultés. Du coup, ils sont 72 % à essayer de mieux contrôler leurs dépenses, et parmi eux, 80 % annoncent avoir renoncé aux sorties et aux loisirs.

C’est le cas de Kyste, 27 ans, qui raconte sur Rue89, sa vie d’étudiante « à faire semblant de ne pas être pauvre ». Quand, après les cours, on lui propose d'aller prendre une bière, elle refuse en expliquant qu'elle boit trop en ce moment et qu'elle met la pédale douce sur l'alcool. « A 3,70 euros le demi, c'est impossible »  explique-t-elle. Une fois par semaine, elle tente de se faire un mini-plaisir en s’offrant une pinte en “happy hour”. Une « heure joyeuse » au cours de laquelle les boissons alcoolisées sont moins chères qu’à l’ordinaire.

Mais après deux heures du matin, quand les petits bars ferment, il faut être « riche » pour continuer la soirée. Paris serait-elle une ville snob la nuit ? « Oui, certainement » répond sur un chat Odile de Plas, journaliste musicale au Monde. « Il y a une tradition de sélection par l’argent et par le look à l’entrée des discothèques parisiennes que l’on peut trouver détestable ». Les clubs se justifient en expliquant que c’est ce qui garantit l’ambiance exceptionnelle de l’endroit. « Cela ne favorise pas le renouvellement et l’émergence de nouvelles fêtes à Paris » ajoute Odile de Plas.

Rebutés, par le cumul du prix d’entrée, des consommations et du vestiaire, les étudiants semblent moins à même de fréquenter les boîtes de nuit. Des établissements souvent accusés de gonfler les prix et de pousser à la consommation. « Alors que beaucoup possèdent une climatisation, ils ont toujours tendance à faire monter la chaleur pour nous pousser à boire » témoigne Caroline, une habituée du dancefloor.

Le budget serré des étudiants, ne les prive pas pour autant de sorties. Ils sortent juste différemment. Bar PMU, « squattage » à droite à gauche, voire chez des inconnus… Fauchés, débrouillards, et pique-assiettes, les étudiants ont encore quelques bonnes combines pour goûter les nuits parisiennes. Le temps où ils se contenteront de soirées devoirs-révisions-exposés, n’est pas encore arrivé. Bienvenue dans les nouvelles soirées low cost.

Les happy hours des bars. Paris regorge encore de quelques bonnes adresses où les petits prix et les « happy hours » sont légion. « Il faut connaitre les bars pas chers de Paris : Le Bar des artistes, le Zigzag… Pas besoin de casser son PEL pour boire des pintes dans les bars parisiens ! » s’amuse Servan, 24 ans, ingénieur en travaux public. « On peut s’en sortir en jonglant entre les happy hours et les bars où le prix des pichets est extrêmement compétitif » ajoute Victor, 23 ans. Un site internet recense, pour « les amis biéronautes », tous les happy hours de Paris. « C'est plus difficile que ça en a l'air dans une ville où la prolifération des bobos a rendu la binouze hors de prix » rapporte la page d’accueil du site. De son côté, Stéphane, 26 ans, chef de projet marketing, privilégie les bars de quartiers comme les PMU ou les bars des sports : « C’est jamais blindé, pas cher et plutôt marrant, il y a beaucoup de situations improbables ».

En été, les lieux extérieurs sont pris d’assaut par les jeunes fêtards. Parc, bords de Seine, canal de l’Ourcq… Quoi de mieux qu’un lieu exceptionnel, avec vue sur Notre Dame pour improviser un pique-nique puis une soirée à la belle étoile ? Un phénomène arrivé tout droit d’Espagne, où la bolleton, qui signifie littéralement « grande beuverie » est une institution. À la fin de la semaine, faute d’argent pour entrer dans les bars, les jeunes se procurent des bouteilles d’alcool bon marché dans les supermarchés et passent la nuit à boire dans les rues.

Faire la fête chez les autres. « Une bouteille de vin à 3€ chez Lidl, et l'appartement de quelqu'un, c’est le cocktail idéal pour une soirée à petit prix », annonce Charles, 24 ans, étudiant en école de cinéma. « Sortir à domicile revient en moyenne moins cher que d’aller au restaurant, dans les bars et les boîtes » confirme Clément, 19 ans. « Il faut acheter l’alcool en grande surface, organiser une préchauffe chez quelqu’un puis ensuite sortir dans les bars et les clubs, sans rien payer là-bas », conseille Camille, 22 ans, étudiante en école de commerce.

Avoir du réseau, des amis très riches ou du sex-appeal. « Les connaissances, les promoteurs et les videurs, sont les meilleurs plans pour pas se ruiner » témoigne Pascal, 24 ans, lui même barman. Un bon réseau dans le monde de la nuit, vous assurera des tarifs avantageux. Alex, 26 ans, dans l’événementiel, compte parfois sur ses connaissances, des gens de bonnes familles, des héritiers, qui ont un rapport différent à l’argent. « Je n’irai pas dans de tels endroit sans eux. En arrivant, ils annoncent direct la couleur : ils vont consommer. Je n’y vais pas pour me fait entretenir, mais je sais qu’avec eux je passerais une bonne soirée et que ce sera confortable » confie-t-il.
Marina, belle blonde d’un 1m73, a elle aussi son petit secret. Habituée du carré  VIP d’un grand club parisien, elle entre gratuitement et bois des couples de champagne à l’œil. Ses atouts physiques ne sont pas étrangers à un tel traitement de faveur. « S‘ils me font entrer les filles les mieux foutues, c’est bien évidement pour faire consommer les mecs » indique-t-elle. Un carré VIP où la table avec bouteille atteint les 250 euros. Autre option, avancée par Stéphanie, 25 ans, étudiante en droit, « abuser de la galanterie pour se faire inviter, mais ça devient de plus en plus rare ».

Squatter chez des inconnus. C’est la nouvelle combine de Théo, 21 ans, intermittent du spectacle. : « Ce n’est pas encore une tendance puisque nous sommes que quelques uns à le faire plus ou moins régulièrement ». Le concept : Repérer une fenêtre par laquelle on peut juger qu'une centaine de personnes ivres font la fête dans un appartement du centre de Paris (classe sociale aisée, vins de qualité) puis, s'inviter, faire croire qu'on connait tout le monde, et boire à l'œil jusqu'à extinction des feux. « Ma dernière expérience remonte à samedi dernier, c’était vraiment sympa »

Retourner en boîte… mais en soirée étudiante. Aujourd’hui, si les étudiants retournent en boites de nuit, c’est lors de soirées spéciales, organisée par les bureaux des élèves (BDE) des grandes écoles et universités. Sponsorisée, ces soirées proposent des tarifs avantageux. Florence, 23 ans prépare une soirée pour mars prochain, sur une péniche. L’entrée est fixée à 20 euros avec 3 boissons alcoolisées incluses. Un prix bien en dessous des tarifs pratiqués actuellement dans l’établissement.



Pauline Pellissier