Enquête sur le travail des retraités


Papy et Mamie rentrent du boulot


Plus de 300 000 retraités français ont décidé de reprendre une activité. Pour des raisons démographiques, ils seront de plus en plus nombreux. D’autant que la législation facilite le cumul emploi-retraite. Rencontre avec les précurseurs d’un nouveau phénomène.


Huit heures du matin, dans un petit deux-pièces de Bagneux. Christiane, 75 ans, se prépare à partir travailler. Face à la glace, elle replace quelques mèches blondes puis enfile un pardessus. Après dix minutes de voiture, elle rejoint un hôpital privé de la région parisienne où elle officie comme infirmière en bloc opératoire. Partie à la retraite en 1996, à 61 ans, cette belle femme aux grands yeux bleus retourne à l’hôpital trois ans plus tard, pour y effectuer un remplacement d’un mois. « Je devais partir en vacances au Vietnam, ce petit boulot m’a permis de mettre un peu d’argent de coté », explique-t-elle. A partir de là, l’hôpital ne va pas la lâcher. « Nous, les retraités, sommes des « bouche-trous » que l’on appelle quand les infirmières sont malades. On peut nous prévenir du jour pour le lendemain, précise-t-elle.

Christiane fait partie des 246 000 assurés du régime général qui cumulent  aujourd’hui pension et salaire. Un chiffre en forte progression. Ils étaient 18 % de plus en 2009 par rapport à 2008, confirmant l’élan observé ces dernières années  par l’assurance retraite: + 24% en 2007, + 22% en 2008. En 2003, un rapport remis au Conseil d’orientation des retraites estimait leur nombre à 300 000 personnes. Officiellement donc, seul 3 % des 16 millions de retraités français travailleraient. Une évaluation étonnamment basse quand on sait qu’ils seraient 15 % chez nos voisins helvétiques. Mais les chiffres français ne prennent pas en compte le régime de retraite des indépendants, ni l’emploi informel, non déclaré, très répandu dans ce type d’activité. Une chose est sûre, le secteur se développe.

C’est sous les combles d’un immeuble haussmannien du très chic 7e arrondissement de Paris que Bertrand Favre, 26 ans, diplômé d’HEC, a installé sa société, Bitwiin.com. Un site web qui met en relation recruteurs et seniors en recherche d’emploi. Une interface très pro aux couleurs bleu ciel et vert tendre, des personnages aux airs de Playmobil et un slogan qui claque : « L’expérience senior à votre service ». Dans la pièce exiguë, derrière leurs écrans ultraplats, les cinq jeunes collaborateurs de cette start-up s’activent au référencement du site, et à la publication des dernières annonces. Deux ans après la création, le site revendique 7 000 séniors inscrits et 4 000 mises en relation. « Avec le départ des baby-boomers, on prévoit 650 000 à 750 000 départs par an. C’est toute une génération qui va lâcher les reines du pouvoir », explique Bertrand Favre. « Mais ces gens là veulent garder un pied dans la vie active, ils en ont marre du cliché du retraité avec ses charentaises devant la télé ! ».

Les motivations des retraités sont aussi financières. La France comptera seulement 1,2 actif pour un retraité en 2020 selon le Conseil d’orientation des retraites. La caisse des retraites étant déjà déficitaire, les pensions versées seront plus modestes. A chacun de la compléter. Comme dans les pays anglo-saxons, où le système est moins solidaire, chaque actif devra constituer son propre pécule. C’est justement lors d’un voyage outre-Atlantique que Bertrand Favre, surpris de voir tant de personnes âgées occuper des postes de serveurs ou de caissiers, a eu l’idée de miser sur l’emploi des retraités. Il voit dans l’âge avancé de ces travailleurs un avantage : « Ils sont du coup très bien intégrés socialement ». Certes Bertrand Favre reconnaît que son site a un but lucratif, il le présente aussi comme un « service utile, d’intérêt public ».

Christophe Dougé, la quarantaine, a eu la même idée. Directeur d’une société de formation professionnelle à Saumur, dans le Maine-et-Loire, il est en permanence à la recherche d’intervenants, « des gens très pointus, expérimentés, mais très difficiles à dégoterPôle emploi n’est d’aucune aide, car les retraités ne sont pas comptabilisés dans les chiffres du chômage », souligne le dirigeant. En 2008, il décide de créer Jobretraite.fr pour y déposer ses propres annonces. Aujourd’hui, le premier site de recrutement de retraités compte plus de 2 000 inscrits, dont dix nouvelles inscriptions chaque jour. 


Chauffeur, cadre bancaire, juriste, commercial en vin, assistance maternelle, agent d’entretien, gérant de camping... Toutes les professions sont recherchées. Il existe pourtant une dualité du marché du travail des retraités (un peu jargon,  essaie de l’écrire de manière plus vivante). D’un côté des emplois très peu qualifiés, souvent manuels. « Bricoleur, c’est ce qui marche le mieux, signale Bertrand Favre. Le plus souvent, ce sont des pratiquants du dimanche qui se lance. Il n’y  a pas d’adéquation entre la catégorie socio-professionnelle et le métier exercé pendant la retraite. »  Une idée corroborée par Didier Blanchet, chef du département des études d’ensemble à l’INSEE et membre du Conseil d’Orientation des retraites : « Certains savoir-faire se dévalorisent avec l’âge. Certaines personnes sont alors hors circuits ou avec une employabilité réduite quand elles ne maitrisent pas les nouvelles technologies par exemple ». Ces retraités changent alors de domaine d’activité. Mais pas tous. Une partie d’entre eux continuent à exercer un travail d’expertise dans un domaine où leur expérience est valorisée.

Côté employeur, « ce sont les entreprises de petites tailles, PME, TPE ou les particuliers, qui recherchent le plus souvent », détaille Christophe Dougé. De petites structures qui ont des besoins ponctuels. Nul CDI ni même CDD, les retraités travaillent majoritairement à la mission. Jean-Pierre Lhuissier, 66 ans, formateur technique, a un statut de vacataire : « Le travail est très fluctuant, en fonction de la demande des entreprises. Certains mois, je n’arrête pas de courir, mais je peux facilement accepter ou refuser des missions. C’est assez flexible ». Chez Bitwiin, 90 % des offres concernent des services. Le plus souvent aux particuliers. Les employeurs apprécient l’expérience et la disponibilité des retraités, et trouvent qu’ils inspirent confiance. « Une image complètement différente du monde des grandes entreprises, qui voient les seniors comme une charge, des lourdauds coûteux et inadaptables », analyse Bertrand Favre. Un troisième âge, rajeuni, qu’Emilie Bastiani Guthleber, doctorante en ressources humaines à l’Ecole de Management de Strasbourg, désigne dans Passage, un abécédaire de la gestion des âges (association française des managers de la diversité, 2010), par le terme de « Jénior ». Ce néologisme  « introduit l’idée qu’il est possible et accepté d’être âgé et nouveau dans un métier, une fonction ». 

Jean Pierre Lhuissier a travaillé pendant 40 ans dans le traitement des pièces mécaniques. Il n’avait jamais envisagé d’être formateur. A l’heure de la retraite, il n’a pas eu envie de quitter le monde du travail. Trois collègues partis avant lui ont fait une dépression nerveuse. « Je me suis dit « non merci ! » Continuer dans la formation, me permet de transmettre mes connaissance et de quitter le monde professionnel très progressivement », explique-t-il. Son entourage n’y voit pas d’inconvénient. Sa femme, plus jeune, travaille encore. Jean-Pierre pense arrêter d’ici cinq ans quand elle deviendra retraitée à son tour.

De son côté, Christiane, l’infirmière en bloc opératoire, continuera aussi longtemps qu’elle le pourra. Mais elle a posé ses conditions. Pas plus de deux à trois jours par semaine, seulement le matin, et dans un service relativement calme. Après une carrière comme « accessoiriste » sur des opérations importantes du cœur ou des poumons, elle travaille désormais au service de stomatologie où elle peut être assise à certains moments afin de reposer un genou fragile. Pour l’hôpital, en manque chronique d’infirmières, les retraitées sont une réserve de main d’œuvre expérimentée et très flexible. « On coûte bien moins cher que des intérimaires, car l’hôpital ne paye ni de boite d’intérim ni de prime de précarité ». Si elle travaille par passion du métier, pour Christiane aussi c’est avantageux (attention : tic ! tu construis souvent tes phrases « si… ». reformule cette phrase sans cette construction). Elle peut faire gonfler sa pension de retraite de 1700 euros à 3 000 euros, l’équivalent de son salaire en fin de carrière. Une situation qui n’est pas représentative.

« Pour les trois quarts des retraités, la reprise d'une activité est motivée par un besoin financier. Seuls 25 % d'entre eux restent actifs par choix », rapporte Christophe Dougé de Jobretraite.fr « Certains m’appellent en me suppliant de leur trouver du travail », poursuit-il. Un signe de précarisation. « Le niveau de vie d’un retraité est à l’heure actuelle un peu plus bas que celui d’un actif, mais globalement il s’en sort mieux car il est plus souvent propriétaire de son logement et n’a plus d’enfants à charge , indique Didier Blanchet de l’INSEE. Mais d’ici à 2020, son niveau de vie devrait décrocher de 15 à 20 %. Le montant des retraites va baisser car l’Etat ne peut pas distribuer ce qu’il n’a pas ! ». En 2010, 12 % du PIB français était redistribué en retraites. « On a des garde-fous en la matière avec une retraite minimale, poursuit le spécialiste, mais l’Etat ne peut assurer le niveau de vie que chaque retraité espère. »

En assouplissant la législation, l’Etat encourage de fait, la reprise d’une activité. La création en 2005 du chèque emploi service a d’abord permis le développement les activités de services aux particuliers en facilitant le paiement du salarié et en avantageant fiscalement l’employeur. Instauré en 2008, le statut d’auto-entrepreneur est également très prisé des retraités car il permet l’inscription en ligne d’une société et simplifie le paiement des charges et cotisations sociales par l’entrepreneur. A l’inverse l’employeur, le bénéficiaire des services est dispensé de ces taxes. En 2009, la loi de financement de la sécurité sociale, elle, a assoupli les conditions de cumul d'un emploi et d'une retraite. La reprise d'activité est désormais autorisée sans restriction à partir de 60 ans, sous réserve d'avoir cotisé suffisamment pour bénéficier d'une retraite à taux plein. L’âge, les revenus, et le nombre d’heures travaillées ne sont alors pas plafonnés. « Il y a deux ans encore, le travail des retraités était tabou, même dans la famille, car il donnait l’impression d’être dans le besoin. Aujourd’hui légalement c’est possible. Le gouvernement, à travers ces mesures, reconnaît le travail comme une valeur importante », se réjouit Bertrand Favre.

Reste à savoir s’il est raisonnable de faire travailler les retraités, dans un pays où le chômage frôle les 10%. « Le travail des retraités aura de l’avenir, s’il repose sur l’expérience que l’on peut apporter. S’il s’agit de piquer le travail qu’un jeune peut effectuer, alors là c’est inadmissible ! », s’indigne Jean-Pierre Lhuissier. Didier Blanchet reconnaît que certes, les retraités, en proposant des prix plus bas, peuvent exercer une concurrence sur les emplois les moins qualifiés, mais tous les postes ne sont pas concernés. « Les missions ponctuelles remplies par les retraités, ne sont pas suffisante pour faire vivre une personne en âge de travailler, qui est plutôt à la recherche d’un CDI voire d’un CDD ».

Néanmoins, à plus long terme, le développement du travail des retraités risque de modifier l’équilibre des familles en atténuant les distinctions entre générations. L’idée transparait sur les réseaux sociaux depuis la dernière réforme des retraites. Sur Facebook, les groupes sur le sujet se sont multipliés. « Dis Papy, tu nous racontes une histoire ? » - « Non, les enfants je dois partir au travail ». Ou bien, « - A ton âge je travaillais, ma fille ». –« Oui Mamie, et moi à ton âge je travaillerai encore ». En attendant, ces super-grands parents en activité, cotisent sagement pour la retraite de leurs descendants… 

Procès Mamodtaky, compte-rendu d'audience



L’ombre de la politique malgache plane sur le procès Mamodtaky


9 ans plus tard et 9 000 km plus loin, le procès de la tuerie de Fénoarivo, s’est ouvert le 26 octobre dernier à la cour d’assises de Paris. Une vengeance familiale qui a fait cinq morts et une dizaine de blessés à Madagascar. Dans le box des accusés, Mamodtaky, un personnage craint sur l’Ile car proche des puissants. Sur les bancs des parties civiles, les Remtoula, une influente famille de la communauté Karanas. Au fil de l’audience, les magouilles politiques qui ont cours à Madagascar éclatent au grand jour.


Un troisième procès, sans doute le plus impressionnant. Trois semaines d’audience à la cour d’assises de Paris, des ténors du barreau comme Me Collard ou Me Dupont-Moretti et des visio-conférences en direct du tribunal d’Antananarivo afin de recueillir les dépositions des témoins. Après un non-lieu à Madagascar et un procès annulé pour vice de forme à la Réunion, Mamodtaky, ses beaux-frères, Babar Ali, Damdjy et le Réunionnais Jean-François Crozet, sont à nouveau accusés, par la justice française, d’avoir tué cinq membres de la famille.

Au troisième jour du procès, c’est au tour d’Anita Remtoula, l’ex-femme de Mamodtaky de témoigner à la barre des événements du 21 avril 2001. Un « jour maudit » pour cette belle femme, âgée de 25 ans au moment des faits et qui semble, depuis, avoir vieilli trop vite. Par un beau dimanche du mois d’avril, le clan Remtoula passe la journée dans une villa de Fénoarivo, à quelques kilomètres d’Antananarivo. « On a déjeuné tous ensemble, puis les hommes jouaient aux boules, les femmes discutaient en préparant des brochettes sur la terrasse, raconte Anita. Vers 18 heures on a entendu des coup de feu, mais mon père pensait que les enfants jouaient avec des pétards ». Touchée à la poitrine et au sexe, Anita est emmenée d’urgence à l’hôpital par son père, ainsi que son frère Alexandre, atteint de huit balles dans le dos. Quand elle se réveille, on lui apprend que cinq personnes de sa famille, sa tante, ses neveux et son frère, sont décédées dans la tuerie. Pour elle, pas de doute, c’est l’œuvre de son ex-mari. « Je l’ai reconnu, qui me tirait dessus », affirme-t-elle. Il l’avait déjà menacé, des semaines auparavant, de tuer sa famille si elle le quittait.

De l’île malgache à l’île de la Cité
Si le couple se fait de nouveau face, neuf ans plus tard, au tribunal de Paris, c’est que les protagonistes de l’affaire ne sont pas n’importe qui. Grands commerçants, les Remtoula font partie de la communauté Karanas. Une minorité indo-pakistanaise arrivée sur l’île au début du 20e siècle pour construire des chemins de fer, mais qui a réussi dans les affaires et constitue désormais la majorité des grossistes et industriels du pays. Ils seraient aujourd’hui 20 000, sur les 17 millions de Malgaches, mais contribueraient à un tiers du PIB du pays. Victime de discrimination, cette communauté très enviée s’est vue refuser, à l’indépendance du pays, en 1960, la nationalité malgache et a opté pour la nationalité française. Ce qui explique, qu’Anita Remtoula ait décidé de porter l’affaire devant la justice française.

« Le ministre venait se servir au magasin »
Veston noir et chemise blanche parfaitement repassée, Mamodtaky, la quarantaine, porte encore sur lui, les traces d’un passé faste. Malgré la détention, il apparaît dans le box comme un homme élégant. Entrepreneur dans le commerce de l’électroménager et de l’électronique, il menait la grande vie. Décrit par ceux qui le connaissent comme « quelqu’un de puissant », il a baigné pendant des années dans le climat de corruption ambiant qui sévissait sur l’île. « Le ministre de la Justice avait l’habitude de venir se servir au magasin », témoigne Anita Remtoula. « Cela ne m’étonne donc pas, il a dû graisser la patte des juges malgaches pour obtenir un non-lieu ». Après son ex-femme, c’est son ancien beau-père, qui ajoute: « Demandez qui il est, et vous verrez, ils ont tous peur de lui  à Madagascar ». Avant de poursuivre : « Il a soif de pouvoir, il veut être quelqu’un ». Mais avec les multiples rebondissements qu’a connus la vie politique malgache, Mamodtaky semble avoir été lâché par les siens. « S’il a été finalement extradé en 2009, c’est grâce au changement de gouvernement à Madagascar», rapporte à l’audience Laurence Turbe-Dion, présidente de la cour d’assises.

Les méandres de la politique malgache
La famille Remtoula a également ses relais politiques. Quelques jours avant le massacre, Anita et son frère Alexandre rencontraient à l’hôtel Hilton, Patrick Rajaonary, le candidat des Karanas à la présidentielle, prévue pour la fin de l’année. Ils lui font part des menaces qui pèsent sur leur famille. « Qu’attendiez-vous de lui ? », questionne Laurence Turbe-Dion. « A Madagascar il n’y a pas de justice, on ne savait plus vers qui se tourner… », se justifie Anita. « On attendait qu’il agisse, car il était réputé comme l’un des seuls politiques non corrompu ». Autre fait notoire : afin d’être sûre d’obtenir la garde de son fils, Anita avoue avoir fait pression sur un procureur général, en expliquant qu’elle était « au courant de beaucoup de choses  ». Une carte qu’exploitent les avocats de la défense alors qu’au fil de l’audience les témoignages accablent Mamodtaky. Une ultime ligne de défense : la théorie du complot. « Si vous saviez tant de chose, ne peut-on pas alors imaginer que l’Etat malgache soit venu vous tuer ? », questionne Me Dupont-Moretti.

Absence de traces ADN, disparition de scellés, enquête bâclée… les faibles moyens de la justice malgache n’aident en rien la recherche de la vérité. Le climat de corruption et de magouilles ne vient que complexifier une affaire déjà rocambolesque. Après neuf ans de saga judiciaire, ponctués d’évasion, de corruption et d’une cavale jusqu’en Ouganda, le verdict est attendu pour la mi-novembre.


                                   (Article rédigé lors du procès en novembre 2010)  Pauline Pellissier

Mamie Lucienne, une retraite sous les paillettes


Lucienne Moreau
Une retraite sous les paillettes


Après 40 ans de boulots précaires, cette comédienne révélée sur le tard, a trouvé dans Le Petit Journal de Canal+ un rôle à la hauteur de ses espérances : une drôle de mamie que l’on rêve tous secrètement d’avoir.



« C’était la soirée chic hier à Paris, une dégustation de Bordeaux à l’Hôtel Bristol… », scande l’expéditive voix off. En direct de la rue du Faubourg Saint-Honoré, pour la réception des Trois coups de l’Angelus, Le Petit Journal de Canal + a missionné son reporter de choc, Lucienne. Et tant pis si elle a une angine. « J’ai la voix cassée, mais on va quand même se la coller », annonce-t-elle en riant. Lucienne Moreau a l’apparence d’une septuagénaire, comme on en croiserait au marché du coin. Mais pas seulement. Une diction parfaite où chaque mot est prononcé bien distinctement, un sourire persistant d’où surgit de petites dents et des cheveux de fils blancs en petites boucles aussi régulières et abondantes qu’une perruque de clown. Autant d’atouts télégéniques. Lucienne passe entre les tables, enchaîne les bises pour transmettre ses microbes à Pierre Arditi, Nikos Aliagas et Stéphane Bern réunis pour l’événement. Avant de conclure par un « Ah oui… hein… ils sont complètement bourrés ces people « ! Mamie Lucienne est devenue l’une des stars de la chronique de Yann Barthès. Derrière son micro de speakerine, cette grand-mère rondelette présente une à deux fois par semaine son « Lucienne live report ».

Habillée très simplement d’un pull col roulé de laine rouge et d’un pantalon en coton beige, Lucienne reçoit ce mardi après-midi chez son amie Rita, dans la cuisine d’une confortable maison située entre la mairie et le Monoprix d’Argenteuil (Val-d’Oise). En réalité, Lucienne raconte qu’elle réside avec l’un de ses fils un peu plus loin dans le quartier d’Orgemont, « une cité, enfin, une résidence c’est comme ça qu’on doit dire aujourd’hui ». Elle préfère venir passer ses après-midi chez Rita, une ancienne employée du groupe TF1. Elles discutent en fourrant des fruits à la pâte d’amande, répondent aux appels sur leurs portables, et enfilent les verres de Pulco orange. Les deux amies se sont rencontrées il y a sept ans, quand le mari de Rita est tombé gravement malade. Lucienne l’a épaulée. A soixante-dix ans, la mamie pas encore cathodique proposait ses services de ménagère afin de compléter sa maigre retraite. Conséquence d’une vie de précarité.

Née en 1933 près de Laval en Mayenne, Lucienne grandit dans une famille d’agriculteurs. Traite des vaches, récoltes de fruits et des légumes… la jeune fille met la main aux pis. Son frère reprend l’exploitation, Lucienne doit partir trouver du travail. Elle tient une épicerie, à quelques kilomètres de là, dans le village de Rénazé, puis un bar à Laval. Dans les années 60, elle devient ouvrière dans les filatures lilloises, puis veilleuse de nuit à l’hôpital. De cette vie d’errance à la recherche de travail naissent cinq enfants. Deux d’entre eux seront volés par leur père et emmenés avec lui à l'étranger. Lucienne passera huit ans sans les voir. Une fois majeurs, ils se décideront à la rejoindre en France. En 1988, Lucienne part à la retraite. En 1992, c’est à Argenteuil qu’elle s’installe pour se rapprocher de sa progéniture, vivant en région parisienne.

En 1999, mamie Lucienne tombe sur une petite annonce, « dans un journal gratuit ! » aime-t-elle préciser. L’agence de mannequin Masters recherchait alors des séniors pour un casting. Ni une, ni deux, elle se présente. Banco. Figuration à la télé, petit rôle dans le film Qui a tué Bambi ? de Gilles Marchand en 2003 et surtout des publicités. Toyota, Vico enfin Cetelem pour qui elle joue la mamie-tricot. Elle rejoint aussi la bande de vieux Grolandais qui peuple l’émission  de Jules-Edouard Moustic, fait quelques apparitions dans la série H avant d’être recrutée par Le Petit Journal. «Financièrement, cela donne de beaux compléments », reconnaît-elle pudiquement. Chez Groland, on peut compter sur 90 euros brut par jour pour un figurant, 251 euros par jour pour un acteur. Dans la petite chambre touchant la cuisine, elle sort fièrement sur le lit les différents cadeaux ramenés de ses événements VIP. Un tablier de chef étoilé, du parfum, et un soutien-gorge bonnet C. 

Aujourd’hui, on la sollicite en moyenne deux fois par semaine. « Si c’est tard, j’y vais en taxi, mais sinon je prends les transports en commun ». Sur place, elle retrouve un cameraman, un preneur de son et une liste d’idées de bêtises et de choses à dire. « Ils me disent un peu quoi faire, mais j’improvise aussi! ». Et alors ils sont comment nos people ? « Tous vraiment sympa, s’enthousiasme-t-elle, sauf Bernadette Chirac, qui nous a complètement ignorés ! » Elle a sûrement dû voir en Lucienne une rivale potentielle. Mamie Lucienne préfère parler de ses petits chouchous : José Garcia, Pierre Arditi et Jean-Paul Gauthier. « Elle est très copine avec lui, il l’embrasse comme du bon pain ! », s’exclame Rita. « La prochaine fois, il veut même que je défile pour lui  », ajoute Lucienne en rougissant. Son rêve désormais, c’est de décrocher un rôle puissant à la Tatie Danielle.

« Lucienne a eu une vie toute simple, elle est née paysanne et désormais elle a ses entrées chez Chanel et Jean-Paul Gauthier », résume Rita. Une success story tardive, « mais vaut mieux tard que jamais » complète Lucienne. Après tout, comme le disait si bien Andy Warhol, « chacun a droit à ses 15 minutes de célébrité. » Avec Lucienne, cela dure juste un peu plus longtemps.

Texte & photos: Pauline Pellissier



En 5 dates
1933 Naissance en Mayenne
1988 Départ à la retraite
1992 Installation à Argenteuil
1999 Inscription dans une agence de mannequin
2010 Le Petit Journal sur Canal +




Faut-il être « friqué » pour avoir une vie nocturne ?


Faut-il être « friqué » pour avoir une

vie nocturne ?


Avec des tarifs de 13 et 20 euros l’entrée, de 10 à 20 euros la consommation, et jusqu’à 200 euros la bouteille de champagne, le Social Club et le Queen, boîtes de nuit huppées de la capitale, mettent en lumière le côté « select » de la nuit. Des prix exorbitants, déconnectés des portemonnaies étudiants.

Une fois le loyer payé, il resterait en moyenne aux étudiants parisiens 350 euros par mois pour vivre. D’autant que la crise est passé par là. D’après une enquête Ipsos réalisée en 2009 pour le Crédit Agricole, plus de 4 étudiants sur 10 déclarent qu’en raison de la crise économique, ils ont plus de difficultés. Du coup, ils sont 72 % à essayer de mieux contrôler leurs dépenses, et parmi eux, 80 % annoncent avoir renoncé aux sorties et aux loisirs.

C’est le cas de Kyste, 27 ans, qui raconte sur Rue89, sa vie d’étudiante « à faire semblant de ne pas être pauvre ». Quand, après les cours, on lui propose d'aller prendre une bière, elle refuse en expliquant qu'elle boit trop en ce moment et qu'elle met la pédale douce sur l'alcool. « A 3,70 euros le demi, c'est impossible »  explique-t-elle. Une fois par semaine, elle tente de se faire un mini-plaisir en s’offrant une pinte en “happy hour”. Une « heure joyeuse » au cours de laquelle les boissons alcoolisées sont moins chères qu’à l’ordinaire.

Mais après deux heures du matin, quand les petits bars ferment, il faut être « riche » pour continuer la soirée. Paris serait-elle une ville snob la nuit ? « Oui, certainement » répond sur un chat Odile de Plas, journaliste musicale au Monde. « Il y a une tradition de sélection par l’argent et par le look à l’entrée des discothèques parisiennes que l’on peut trouver détestable ». Les clubs se justifient en expliquant que c’est ce qui garantit l’ambiance exceptionnelle de l’endroit. « Cela ne favorise pas le renouvellement et l’émergence de nouvelles fêtes à Paris » ajoute Odile de Plas.

Rebutés, par le cumul du prix d’entrée, des consommations et du vestiaire, les étudiants semblent moins à même de fréquenter les boîtes de nuit. Des établissements souvent accusés de gonfler les prix et de pousser à la consommation. « Alors que beaucoup possèdent une climatisation, ils ont toujours tendance à faire monter la chaleur pour nous pousser à boire » témoigne Caroline, une habituée du dancefloor.

Le budget serré des étudiants, ne les prive pas pour autant de sorties. Ils sortent juste différemment. Bar PMU, « squattage » à droite à gauche, voire chez des inconnus… Fauchés, débrouillards, et pique-assiettes, les étudiants ont encore quelques bonnes combines pour goûter les nuits parisiennes. Le temps où ils se contenteront de soirées devoirs-révisions-exposés, n’est pas encore arrivé. Bienvenue dans les nouvelles soirées low cost.

Les happy hours des bars. Paris regorge encore de quelques bonnes adresses où les petits prix et les « happy hours » sont légion. « Il faut connaitre les bars pas chers de Paris : Le Bar des artistes, le Zigzag… Pas besoin de casser son PEL pour boire des pintes dans les bars parisiens ! » s’amuse Servan, 24 ans, ingénieur en travaux public. « On peut s’en sortir en jonglant entre les happy hours et les bars où le prix des pichets est extrêmement compétitif » ajoute Victor, 23 ans. Un site internet recense, pour « les amis biéronautes », tous les happy hours de Paris. « C'est plus difficile que ça en a l'air dans une ville où la prolifération des bobos a rendu la binouze hors de prix » rapporte la page d’accueil du site. De son côté, Stéphane, 26 ans, chef de projet marketing, privilégie les bars de quartiers comme les PMU ou les bars des sports : « C’est jamais blindé, pas cher et plutôt marrant, il y a beaucoup de situations improbables ».

En été, les lieux extérieurs sont pris d’assaut par les jeunes fêtards. Parc, bords de Seine, canal de l’Ourcq… Quoi de mieux qu’un lieu exceptionnel, avec vue sur Notre Dame pour improviser un pique-nique puis une soirée à la belle étoile ? Un phénomène arrivé tout droit d’Espagne, où la bolleton, qui signifie littéralement « grande beuverie » est une institution. À la fin de la semaine, faute d’argent pour entrer dans les bars, les jeunes se procurent des bouteilles d’alcool bon marché dans les supermarchés et passent la nuit à boire dans les rues.

Faire la fête chez les autres. « Une bouteille de vin à 3€ chez Lidl, et l'appartement de quelqu'un, c’est le cocktail idéal pour une soirée à petit prix », annonce Charles, 24 ans, étudiant en école de cinéma. « Sortir à domicile revient en moyenne moins cher que d’aller au restaurant, dans les bars et les boîtes » confirme Clément, 19 ans. « Il faut acheter l’alcool en grande surface, organiser une préchauffe chez quelqu’un puis ensuite sortir dans les bars et les clubs, sans rien payer là-bas », conseille Camille, 22 ans, étudiante en école de commerce.

Avoir du réseau, des amis très riches ou du sex-appeal. « Les connaissances, les promoteurs et les videurs, sont les meilleurs plans pour pas se ruiner » témoigne Pascal, 24 ans, lui même barman. Un bon réseau dans le monde de la nuit, vous assurera des tarifs avantageux. Alex, 26 ans, dans l’événementiel, compte parfois sur ses connaissances, des gens de bonnes familles, des héritiers, qui ont un rapport différent à l’argent. « Je n’irai pas dans de tels endroit sans eux. En arrivant, ils annoncent direct la couleur : ils vont consommer. Je n’y vais pas pour me fait entretenir, mais je sais qu’avec eux je passerais une bonne soirée et que ce sera confortable » confie-t-il.
Marina, belle blonde d’un 1m73, a elle aussi son petit secret. Habituée du carré  VIP d’un grand club parisien, elle entre gratuitement et bois des couples de champagne à l’œil. Ses atouts physiques ne sont pas étrangers à un tel traitement de faveur. « S‘ils me font entrer les filles les mieux foutues, c’est bien évidement pour faire consommer les mecs » indique-t-elle. Un carré VIP où la table avec bouteille atteint les 250 euros. Autre option, avancée par Stéphanie, 25 ans, étudiante en droit, « abuser de la galanterie pour se faire inviter, mais ça devient de plus en plus rare ».

Squatter chez des inconnus. C’est la nouvelle combine de Théo, 21 ans, intermittent du spectacle. : « Ce n’est pas encore une tendance puisque nous sommes que quelques uns à le faire plus ou moins régulièrement ». Le concept : Repérer une fenêtre par laquelle on peut juger qu'une centaine de personnes ivres font la fête dans un appartement du centre de Paris (classe sociale aisée, vins de qualité) puis, s'inviter, faire croire qu'on connait tout le monde, et boire à l'œil jusqu'à extinction des feux. « Ma dernière expérience remonte à samedi dernier, c’était vraiment sympa »

Retourner en boîte… mais en soirée étudiante. Aujourd’hui, si les étudiants retournent en boites de nuit, c’est lors de soirées spéciales, organisée par les bureaux des élèves (BDE) des grandes écoles et universités. Sponsorisée, ces soirées proposent des tarifs avantageux. Florence, 23 ans prépare une soirée pour mars prochain, sur une péniche. L’entrée est fixée à 20 euros avec 3 boissons alcoolisées incluses. Un prix bien en dessous des tarifs pratiqués actuellement dans l’établissement.



Pauline Pellissier



Politique: Malgré la tempête, le commandant Fillon garde le cap


Malgré la tempête, le 

commandant Fillon garde le cap



Contrairement à l’habitude, l’hémicycle de l’Assemblée nationale est comble. Il faut dire que c’est un grand jour. Reconduit dans ses fonctions de Premier ministre, François Fillon tient ce mercredi son deuxième discours de politique générale.

Un grand oral sans grosse surprise, puisque le Président de la République Nicolas Sarkozy, avait lui même tracé la feuille de route du nouveau gouvernement, en s’invitant, moins d’une semaine auparavant, sur les chaînes de télévision françaises.
Si le Premier ministre n’a pas étonné sur le fond, il a cependant adopté un style singulier. Il a fait le choix d’un discours court, 47 minutes - le discours de politique générale le plus succinct de la 5e République - et un ton combatif, voire vindicatif. Un bel exemple de rhétorique où il a mêlé clarté des propos et envolées lyriques.

Décembre 2007 / Benjamin Lemaire, agence Virtuo
François Fillon s’est placé en commandant de bord d’un navire France en grande difficulté. « Contre vents et marées, dans le calme et la tempête », il a invité les Français à « tenir ensemble un cap », ajoutant que « sur le rivage du monde, nous avons attendu un vent plus favorable ».  Un discours un peu anxiogène, décrivant une France en pleine tourmente, très endettée, dans  « un monde traumatisé par une récession globale ». On est bien loin du discours très optimiste, lors de son arrivée en 2007, au lendemain de l’élection de Nicolas Sarkozy. Il y notait « une embellie économique et sociale encourageante », saluait « l’extraordinaire génie de notre peuple » et égrenait les atouts de la France.

Certes le contexte économique a changé, mais les objectifs restent les mêmes. Réforme de l’université, des retraites, des institutions, instauration d’un service minimum, lois sur la délinquance, Grenelle environnement… toutes les réformes menées par le gouvernement Fillon, dont il fait aujourd’hui le bilan, sont toutes clairement évoquées dans le discours de 2007. Les années passent, les priorités restent les mêmes : Une réforme de la dépendance est prévue pour juin 2011 et un plan de 35 milliards d’euros sera consacré aux investissements d’avenir dans les secteurs stratégiques de l’enseignement supérieur, de la recherche, des PME et de l’écologie.

Seul signe du passage de la crise, l’accent mis sur la rigueur budgétaire et une possible réforme de la fiscalité envisagée, avant l’été 2011. C’est la seule vraie nouveauté. Pas d’augmentation d’impôts en vue, mais un rapprochement avec la fiscalité allemande. « Il y a urgence à rapprocher la fiscalité des pays partageant la même monnaie », a déclaré le Premier ministre. Selon lui, la France est l’un des pays qui taxe le plus les entreprises. « Le statut quo n’est plus possible », a-t-il affirmé.

Pas question de taxer les entreprises, et de réduire ainsi leur compétitivité et les perspectives d’embauches. D'autant plus que l’emploi reste, en 2010 comme en 2007, la priorité des priorités. Il y a trois ans, François Fillon déclarait : « Au cœur de la crise nationale, il y a un cancer : le chômage de masse (…).Mon gouvernement se fixe pour objectif un taux de chômage de 5 % à la fin du quinquennat. » Aujourd’hui Fillon maintient le cap, en annonçant des mesures pour favoriser l’emploi des jeunes et des séniors. Mais alors que le chômage frôle actuellement les 10% de la population active, il s’est gardé, cette fois, de faire des promesses.

G20 : Nicolas Sarkozy tente de redorer son blason sur la scène internationale


G20 : Nicolas Sarkozy tente de redorer son blason sur la scène internationale



Une escapade à Séoul de 10 heures seulement. C’est court, mais Nicolas Sarkozy a fait les choses en grand. Arrivé à bord du nouvel Airbus A330-200 présidentiel, surnommé « Air Sarko One », il a pris la présidence du G20. Un voyage "express", vu comme un instrument de reconquête, au moment où il n’a jamais été aussi peu populaire. Sa cote de défiance a atteint un nouveau record, à 66 % d'opinions défavorables, selon un sondage Ipsos-Le Point du lundi 8 novembre. 

L’objectif est clair : tourner la page de la réforme des retraites, du bras de fer avec la rue et faire oublier l’image d’un président inflexible, accusé de gouverner pour un seul camp. Après s’être inscrit dans une perspective historique, avec les commémorations de la mort du Général De Gaulle et des cérémonies du 11 novembre, Nicolas Sarkozy souhaite désormais se doter d’une stature internationale. Le calendrier l’a aidé. Vendredi soir il a pris la présidence  tournante du G20 pour un an. Et, fait rare, il occupera également, la présidence du G8 à partir du 1er janvier.

Ce nouveau statut de « Président du monde » ne lui apportera aucun pouvoir supplémentaire, car comme il l’a dit lui même en conférence de presse, le multilatéralisme n’existe pas : « Je ne vois pas comment on peut reprocher à un certain nombre de pays d’agir de façon unilatérale puisqu’il n’existe pas de système multilatéral ». Pas de compétences supplémentaires, mais l’assurance de se trouver, pour quelque mois, au centre du monde, et de l’attention. De quoi lui permettre de se façonner une meilleure image. L’Elysée va d’ailleurs créer un site Internet pour communiquer tout spécialement sur les actions de ce président très international.

Preuve d’un changement radical, Nicolas Sarkozy a mis en avant, lors de sa conférence de presse, des qualités qu’on lui connaissait peu jusque là : la modestie, l’humilité et la conciliation. « Cette présidence [du G20], nous l'abordons avec ambition et réalisme. » Ou encore : « Je mesure l'immensité du chemin qui reste à parcourir ». Inde, Etats-Unis, Afrique du Sud… Pour parvenir à un compromis Nicolas Sarkozy a prévu de voyager et de consulter. En décembre, il recevra Dominique Strauss-Kahn et annoncera en janvier ses priorités du G 8 - G 20 dans une grande intervention de l’Elysée. Le président français se mue ainsi en professionnel de la concertation et ira même consulter les syndicats français. Des partenaires sociaux qui n’ont pas été écoutés lors de l’élaboration de la réforme des retraites, mais qui d’un coup seraient jugés compétents pour résoudre la guerre des monnaies !

A travers ces actions, ce qu’espère secrètement Nicolas Sarkozy, c’est de transformer un potentiel succès international en succès national. A dix-sept mois de l'élection présidentielle, le président Sarkozy surjoue l'importance de la situation internationale à des fins électorales. Il pense, qu'une partie de son salut viendra de cette tribune. Ainsi, il tente d’expliquer aux français les enjeux du G20, pourquoi la crise des monnaies les concerne directement, que c’est une confrontation plus profonde : la bataille pour l’emploi et pour la localisation de l’activité industrielle. "L'un des enjeux, c'est de faire comprendre que ce dont il est question a des conséquences sur la vie des gens", mais "c'est technique, les gens se disent que tout ça est lointain. Ce n'est pas gagné!", a-t-il lâché.

Alors, quand lors de la conférence de presse, un journaliste de France 2 le questionne sur le très probable remaniement gouvernemental, Nicolas Sarkozy joue l'offensé :  « Vous ne m'en voudrez pas, mais je ne répondrai pas à des questions strictement françaises... ». Mais pourquoi donc êtes-vous parti en Corée Monsieur le Président ?

Amérique latine : le continent qui produit des présidentes


Amérique latine : le continent qui produit des présidentes

« Historique ». Dimanche, le Brésil célébrait l’élection de Dilma Rousseff, la nouvelle présidente. Une première dans ce pays mais non en Amérique latine. Le continent a connu depuis les années 70 une pléiade de femmes présidentes. Aujourd’hui, c’est encore, après l’Europe, le continent où il y a le plus de femmes au pouvoir. Mais cela ne suffit pas à endiguer le fameux machisme latino-américain. Décryptage.


Sur les neuf femmes présidentes dans le monde, trois le sont en Amérique latine : Cristina Kirchner, en Argentine, Dilma Rousseff au Brésil et Laura Chinchilla, au Costa Rica. Un véritable paradoxe au premier abord, car comme l’explique l’historien Claude Morin, dans son article, "L'Amérique latine et les femmes" publié en 1996 dans les Cahiers d'histoire, «d’un point de vue féministe, ce continent fait figure d’épouvantail, c’est le lieu de prédilection du machisme, de la domination paternelle et maritale, du contrôle clérical, de la fécondité exubérante ».

Pourtant, si on analyse les conditions d’accession de ces femmes au pouvoir, on comprend que l’empreinte machiste n’est jamais bien loin. En effet, la plupart du temps, ces femmes sont devenues présidentes dans des situations exceptionnelles, lors de crises politiques. Elles sont alors désignées et exercent le pouvoir de manière temporaire. C’est le cas d’Isabel Perón, qui, après avoir occupé la Vice-présidence, assume la Présidence de l’Argentine entre 1974 et 1976, à la mort de son mari, Juan Perón. En Bolivie, Lidia Gueiler fut désignée présidente en 1979 par le Parlement, avant d’être renversée par un coup d’Etat militaire huit mois plus tard. Même destin pour Ertha Pascal-Trouillot qui exerça la présidence haïtienne en 1990, pendant moins d’un an, le temps d’organiser des élections générales. Enfin, en Equateur, Rosalia Artega occupa en 1997 la présidence, au titre d’un mandat conféré par le Congrès, pour une durée de trois jours seulement !

Le devoir conjugal
Cristina Kirchner
En dehors de ces situations d’exceptions, si certaines femmes ont réussi à être élues à la plus haute fonction, c’est souvent en tant qu’héritières. C’est le cas de Violeta Chamorro, la première femme à accéder, lors d’élections en 1989, à la présidence d’un pays latino-américain, le Nicaragua, grâce au capital politique et à la popularité de son mari assassiné. Janet Jagan, élue en 1997 à la présidence de la Guyane, marcha également dans les pas de son mari Cheddi Jagan, lui même président entre 1992 et 1997. Même histoire : celle de Mireya Moscoso, présidente du Panama en 1996, après que son mari, ait lui même exercé cette fonction. Ainsi comme l’explique Claude Morin, pendant longtemps, en Amérique latine, « l’histoire politique n’accordait pas de place aux femmes, à moins que ce ne soit comme épouse ou maîtresse.»
En Argentine, ce n’est pas pour rien que Cristina Kirchner est surnommée « La Hillary Clinton » du pays. Son élection  à la tête de l’argentine en 2007, s'inscrit dans la prolongation des politiques nationales entreprises par son prédécesseur de mari. En quatre ans de présidence, Nestor Kirchner est devenu très populaire : Il a réussi à sortir le pays de l'impasse économique en réduisant la pauvreté de moitié et en restaurant l'autorité de l'État. Un côté « femme de » totalement assumé par Cristina Kirchner qui affiche une féminité exacerbée. Vêtements de luxe colorés, maquillage, injections de botox et de silicone. « Une belle poupée » pour ses détracteurs qui remettent en cause ses compétences politiques. Le machisme a encore la vie dure au pays du tango.

Une guérillera liftéee
Le 31 octobre 2010, Dilma Rousseff réussit l’exploit d’être élue première présidente du Brésil, sans avoir jamais accompli le moindre mandat électoral. Dilma doit amplement sa victoire au fait, qu’elle est « la candidate de Lula ». Une réussite qu’elle doit entièrement à son pygmalion. C’est lui, en 2003, qui la nomme ministre des Mines, puis chef du cabinet présidentiel en 2005, ce qui fait d’elle une sorte de premier ministre officieuse.  Les commentateurs politiques s’interrogent sur les intentions de Lula qui pourrait avoir envie de se représenter en 2014. "Dilma exercera-t-elle de fait le pouvoir ou gardera t-elle au chaud le fauteuil de Lula ?", se demande même le quotidien brésilien Globo au lendemain de l’élection. Entièrement relookée pour la campagne, elle aurait eu recours à la chirurgie esthétique afin de rajeunir et d’adoucir ses traits de « dame de fer ». Une étape qui semble obligatoire au pays de la chirurgie esthétique.

Michèle, la vraie rupture
« Je suis une femme, socialiste, victime de la dictature, séparée et agnostique : j’ai cinq péchés capitaux… mais nous travaillerons bien ensemble ! ». Ainsi se définissait Michèle Bachelet en 2005 devant les hauts gradés de l’armée alors qu’elle devenait ministre de la Défense. Un profil qui ne cadre pas avec les représentations traditionnelles des femmes politiques. Pour Bérengère Marques-Pereira professeur de sciences politiques à l’Université Libre de Belgique, « l’élection de Michèle Bachelet à la présidence du Chili en 2006 constitue une vraie rupture car elle est élue dans le cadre d’une continuité démocratique et elle dispose de son capital propre ». Selon elle, Michèle Bachelet a mobilisé, lors de l’élection, l’image de la mère. Une mère ancrée dans la société, aux préoccupations maternelles quotidiennes. « Cela participe certainement d’un ancrage dans un maternalisme », poursuit Bérengère Marques-Pereira dans l’article « Les femmes latino-américaines dans les exécutifs nationaux » publié dans la revue Histoire Politique en 2007.  Une explication que l’on retrouve également dans l’analyse de Claude Maurin : «Une femme accède au pouvoir quand elle tend à se comporter comme une ‘ surmère ’, à la différence des hommes et de nombre de femmes au Nord qui exercent le pouvoir à la façon des hommes, de manière castratrice ».

Michèle Bachelet a prouvé qu’en Amérique latine, une femme peut désormais être élue, démocratiquement, sans l’appui d’un mari ou d’un mentor. Elle a ouvert la voie. Digne représentante de cette nouvelle génération de présidente, Laura Chinchilla, élue en février 2010 au Costa-Rica. 




Les femmes au pouvoir dans le monde en 2010

Amérique centrale et latine
Cristina Kirchner, Présidente de l’Argentine depuis décembre 2007
Laura Chinchilla, Présidente du Costa Rica depuis mai 2010
Dilma, Candidate à l’élection présidentielle brésilienne de 2010
Kamila Persad-Bissessar, chef de gouvernement de Trinité & Tobago depuis mai 2010

Asie
Pratibha Patil, Présidente de l’Inde depuis juillet 2007
Roza Otounbaïva, Présidente du Kirghizstan depuis mai 2010
Sheikh Hasina Wajed, chef de gouvernement au Bengladesh depuis janvier 2009

Océanie
Julia Gillard, chef du gouvernement australien depuis juin 2010

Afrique
Ellen Johnson Sirleaf, Présidente du Liberia depuis janvier 2006

Europe
Angela Merkel, chef du gouvernement allemand depuis
Mary Mc Aleese, Présidente de l’Irlande depuis 1997
Tarja Halonen, Présidente de la Finlande depuis mars 2000 
Kiviniemi, Premier ministre de la Finlande depuis juin 2010
Dalia Grybauskaité, Présidente de la Lituanie depuis juillet 2009
Jadranka Kesor, Premier ministre de la Croatie depuis juillet 2009
Jóhanna Sigurðardóttir, Premier ministre de l’Islande depuis février 2009
Iveta Kodicova,  Premier ministre slovaque depuis juillet 2010