Les coursiers à  vélo en ont encore sous la pédale 


Coursiers ou messagers à vélo, vous les avez peut être aperçus dans les rues de Lyon, dans leurs tenues moulantes, sur des deux-roues high-tech et ultra légers… Un concept nouveau ? Pas vraiment...


Les premières sociétés françaises ont été créées à Paris, il y a un peu moins de 10 ans. A Lyon, deux entreprises se partagent le marché. Becycle depuis 2004, Les Coursiers Verts depuis 2007. Le métier s’est pérennisé. Les sociétés cherchent désormais à se développer. La course est lancée. Depuis 2006, Becycle a créé un réseau de franchise dans six nouvelles villes françaises. D’ici à deux ans, les Coursiers Verts ouvriront 15 agences dans les principales villes de France suite à un accord de développement avec une grosse société de livreurs motorisés. Pour les entreprises de transport c’est un bon moyen de « verdir » leur image. Ces alliances permettent aussi d’articuler les moyens de transports traditionnels pour les longs trajets et des transports verts plus innovants pour les derniers kilomètres de livraison.

Un métier centenaire
Rien de nouveau pourtant. Le métier de coursier à vélo existe, en effet, depuis la fin du 19ème siècle et la démocratisation de la bicyclette. Dans les années 1890, la bicyclette devient un produit industriel, son prix abordable. Les ouvriers s’approprient ce nouvel outil. Les livreurs circulent sur des triporteurs, dont les deux roues avants supportent le poids de la cargaison. Après-guerre, on passe progressivement au « tout voiture ». Fini le vélo pour le boulot, dès lors, c’est un loisir. Le deux-roues doit donc aujourd’hui prouver qu’il peut faire mieux que camionnettes et scooters en centre-ville.

Le mythe des coursiers new-yorkais
Pas assez rapide, le vélo ? Sur youtube, des milliers de vidéos montrent les exploits des dingues du guidon new-yorkais. John, autoproclamé roi des coursiers à vélo, raconte que les passants l’appellent «Batman ». Des livraisons à toute allure, bien souvent au mépris du code de la route… Un métier qui exerce donc une fascination certaine. Les messagers à vélo seraient-ils nos nouveaux héros ?

Co-écrit avec Marie Mutricy

Alain, le Pantani du colis


Crâne rasé, joues creusées, corps de crevette, Alain (39 ans), a un physique à la Marco Pantani. Tout comme le coureur cycliste italien, vainqueur du Tour de France 1998, Alain est un champion, le dopage en moins. Le doyen de l’équipe des coursiers à vélo de Saint-Étienne suscite l’admiration de ses collègues. Seul à travailler à temps plein, il passe trente-cinq heures par semaine sur sa selle, roule entre quatre-vingt et cent kilomètres par jour. Soit près de cinq cents kilomètres par semaine.

Mais pour lui, le vélo ne s’arrête pas une fois sa journée de travail terminée. Matin et soir, il descend et remonte pour rentrer chez lui un col qui relie Saint-Etienne et ses sept collines « tout en faux plat » à Saint-Genest Malifaux, au cœur du parc naturel du Pilat, où il réside. Soit un peu plus de dix-sept kilomètres avec cinq-cents mètres de dénivelés enneigés plusieurs semaines dans l’année. Il en a environ pour une heure, mais « ça dépend du sens du vent ». Quand le verglas est là, il se fait descendre en co-voiturage, ou il prend sa voiture. Mais « ça fait chier, dit-il, car je sais que je peux le faire ». Du répit le week-end ? Nenni. Alain pratique la course sur route dans l’équipe de Laurent Marcon, un vélociste stéphanois. De février à octobre, il enchaîne les épreuves phares comme l’Ardéchoise, ou l’étape du Tour de France ouverte aux amateurs. Cette année, Alain est même devenu champion de France sur route dans la catégorie des 35/40 ans.

 
Astrid et Alain, coursiers à vélo à Saint Etienne 

Une vie monacale 
Sa vie entière tourne autour du vélo, depuis ses 18 ans. Un départ « sur le tard », mais le jeune Alain a très vite montré de grandes aptitudes et impressionné ses pairs. En 1993 : champion de France de VTT, catégorie non-élite. Des débuts parsemés de coups d’éclats, mais aussi de « moments d’errance » lorsque son sponsor le lâche. Il passe alors deux ans en Andorre. Il est le petit frenchy qui gagne tout et se fait taxer de « dopé ». Une accusation qu’il récuse. « Dés qu’on est bon très vite, les gens se posent des questions ». Il a couru avec des gens « positifs », d’anciens bons amis se sont fait contrôler à l’E.P.O. D’autres connaissances s’arrêtent d’un coup, « leur cœur est foutu, ils ont pas le choix, c’est ça où ils y passent ». Alain, lui, continue. Pour l’instant il n’a connu aucun pépin de santé. Il s’astreint à une hygiène de vie très stricte, pas de sorties ni d’alcool, beaucoup de repos et une alimentation équilibrée. Une vraie vie de moine. 

Des pains dans la gueule 
Alain aime son travail, mais trouve que c’est un métier dangereux et dur physiquement. Il se pose aujourd’hui des questions sur sa forme physique, conscient qu’il ne pourra pas faire ça toute sa vie. Il y a quelques années, Alain avait déjà l’idée de monter sa boite. En prenant un café dans un bistrot, avec celui qui devait alors être son futur associé, il entend une publicité pour les cyclistes verts. Raté : il ne sera pas le premier. Il décide alors de les rejoindre. Au moins pour quelques années encore. Pas plus. Etre coursier reste une profession difficile. «C’est dur et dangereux physiquement, confie-t-il, j’ai déjà connu pas mal d’accrochages et des pains dans la gueule». Ce qui l’exaspère le plus, les gens qui ne regardent pas avant d’ouvrir la portière de leur voiture. Saint-Etienne est une «une vraie jungle, explique-t-il, il faut se battre toute la journée pour faire sa place dans la circulation». 

Même s’il ne l’avoue qu’à demi-mot, Alain garde secrètement l’idée de créer sa société, mais craint de ne pas réussir à démarcher les clients. «Je ne suis pas un bon businessman» nous confie-t-il. Juste un très bon véloman.