Reportage au vide-grenier de St Georges


8h : À peine arrivée, affaires non déballées, les badauds fouillent déjà dans les sacs et les cartons. Ce qui les intéresse : l’électronique. Ils questionnent :« des appareils photos, des portables ou ordinateurs m’dame ? ». Ce sont des spécialistes qui revendent sur Internet, connaissent la valeur de ces biens et qui sont là pour faire de bonnes affaires. Les vendeurs, encore mal réveillés, thermos de café à la main, se trouvent assiégés de demandes. Pas de bonjour, tutoiement de rigueur. Les clients insistants reviennent à la charge.


La matinée défile, le soleil fait son entrée. Les familles au grand complet sont de sortie pour la balade du dimanche matin. Et oui, la brocante est sur la route du marché. A dix heures, les traditionalistes de l’église St Georges sont appelés à la messe. Dehors les affaires continuent. Lucette, soixante-dix ans passés, se laisse tenter par une robe mauve de midinette, ornée de félins. Elle veut se faire belle pour plaire à ses chats. À côté d’elle, tout de fluos vêtus, les balayeurs de la ville profitent de leur service pour jeter un coup d’œil entre les allées. Le vide-grenier est l’endroit parfait pour observer la vie du quartier.

Pause de midi, la buvette colorée des dragons de St Georges ne désemplit pas. Acheteurs et vendeurs repartent, hot-dogs en main, prêts à attaquer une après-midi d’intenses négociations. Sur les étalages, les tréteaux, les couvertures, rien ne se perd, tout se vend. De l’éponge « presque pas utilisée » à trente centimes, au vieil appareil photo argentique à 400 euros, il y en a pour tous les goûts et tous les budgets. Une jeune fille vend des chapeaux faits maison, dignes des mariages les plus guindés de Lyon. Plus loin, on trouve le stand des spécialistes en carte routière, puis des pros du cinéma, des affiches de films, des bandes-annonces, dossiers de presse ou autres souvenirs de Cannes. Et plus loin encore, sur une table de camping, on aperçoit une méthode pour mincir, qui d’après la morphologie de la vendeuse, ne semble pas réellement marcher.

Les véritables rois du vide-grenier sont les enfants. Du livre des prénoms de bébé à comment élever, soigner ou comprendre son enfant, jusqu’aux grands classiques scolaires utiles pour le bac de français et en passant par les jeux de société, les puzzles de l’Unicef, les abonnements à Okapi ou à Cheval Magazine, des années entières de souvenirs d’enfance se vendent sur les stands. Les enfants s’émerveillent devant cette immense caverne d’Ali Baba. Les petits jeux de la place Benoît Crépu ne désemplissent pas. « Oh regarde ! Ils vendent un toboggan » annonce un petit garçon à sa mère en les apercevant. Les plus grands jouent les vendeurs d’un jour en présentant fièrement toute leur collection de jouet. L’instinct semble inné et les conversations déconcertantes chez des enfants aussi jeunes : « De toute façon tu ne l’auras pas pour moins cher, sinon je perds de l’argent moi ». Une fois l’achat conclu, on lit sur leurs visages une grande satisfaction, ce sont pour quelques minutes encore les rois du pétrole.

Dans dix ans peut être ne trouvera-t-on plus que des gameboy, PSP ou autres jeux vidéos à la place de tous ces jouets colorés. Le vide-grenier reste le reflet d’une époque. Les vinyles sont devenus vintage, mais malheureusement pour beaucoup, les cassettes vidéos ne le sont pas encore. Les CD sont en perte de vitesse. Comme l’explique un ado, « maintenant qu’il y a Deezer, ça vaut pas le coup de payer pour de la musique ».

Fin d’après-midi, la journée touche à sa fin. Les vendeurs sont prêts à tout pour se débarrasser de quelques babioles de plus. C’est le marché à la criée. « Tout à un euro », « un euro, un heureux » annoncent certains commerçants. Car tous savent déjà que tout ce qui restera sera ressorti l’année prochaine. Au même endroit.

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