Portrait de militant
Jeune femme surdiplômée cherche
sa place au Modem
Céline Letemplé, c’est plus la militante qui fait les tracts, que celle qui les distribue.
Au Modem depuis 2007, cette jeune femme de 31 ans a tout d’une tête très bien faite. Le parcours pour commencer. Après une prépa littéraire, elle intègre l’École Normale Supérieure, puis Sciences Po Paris et enfin l’Université d’Harvard où elle termine ses études. Aujourd’hui doctorante, Céline prépare une thèse sur le concept d’empire américain et enseigne à l’Université de Paris 12 (Créteil).
Le « bêta » des guignols
Ses études la conduisent aux Etats-Unis, et en Chine, d’où elle observe de loin l’élection présidentielle de 2002. De retour en France, elle suit plus attentivement la campagne de 2007. De centre-gauche, elle se dit pourtant « non intéressée par la candidature de Ségolène Royal », qu’elle ne trouve « pas crédible ». Ses parents, qui ont déjà voté pour François Bayrou en 2002, tente de la convaincre de l’intérêt du personnage. Un peu moqueuse au départ, elle raille son apparence un peu « ringarde et traditionnelle ». Son image de bêta dans les Guignols, y est peut être pour quelque chose. Elle prend le temps de l’écouter. Il a des choses à dire.
Un joyeux bordel
Tout part d’une sympathie, d’un vote au premier tour. Il faut ensuite attendre quelques semaines et les élections législatives pour que Céline se décide à rejoindre le Modem, le nouveau-né de François Bayrou. Elle parvient même à faire adhérer son père. En quelques clics, elle remplit un formulaire en ligne. On ne la recontacte pas tout de suite. « C’était un peu la cacophonie, un joyeux bordel, la création de ce nouveau parti ». Beaucoup de gens arrivent, d’autres en partent. Quelques semaines plus tard, elle est enfin contactée par le mouvement des jeunes de Paris. Céline commence à assister à leurs réunions. Dés lors, elle se porte volontaire pour organiser l’université d’été du Modem à Seignosse en septembre 2007. Chargée de contacter les différents intervenants. L’année suivante, elle est chargée du stand librairie de l’université de rentrée mais aussi de l’organisation de rencontres et de dédicaces entre les militants et les auteurs phares du parti.
Passer chez les grands
Son engagement n’est pas constant. « Cela dépend vraiment des moments, il y a à la fois les creux, les doutes personnels, mais aussi les moments où le parti vit des temps difficiles ». Céline est là, pour les actions ponctuelles qui lui apporte de la satisfaction, le sentiment d’être utile et de mettre pleinement à profit ses compétences. « Ça me gonfle d’organiser des soirées et tout le tralala ». Les jeunes militants, qui jouaient pendant la campagne les « sexy centristes » sont bien sympathiques, mais Céline ne peut se contenter de cela. « Je n’ai pas envie d’être cantonnée dans ce rôle un peu caricatural de jeune militant ». Limite d’âge oblige, l’année prochaine, elle passe chez les « grands ».
Le travail de l’ombre
Ce qui intéresse cette intello, c’est de faire avancer le débat d’idées, plutôt que de tracter sur les marchés. Pour elle, énormément de choses se jouent désormais via les nouveaux médias et les réseaux sociaux. Ses amis militants la poussent à lancer son blog, même si pour elle, « c’est parler à un public de convertis ». « Finalement, je me suis prise au jeu » avoue-t-elle. Un blog, intitulé « Debout » qui a eu un petit succès dans la blogosphère démocrate. Son sujet favori ? L’éducation et la recherche, auxquels elle consacre la quasi-totalité de ses « posts ». Le dernier en date porte sur les quotas de boursiers dans les grandes écoles. L’année 2009 a été riche en débats sur le sujet suite au mouvement des enseignants-chercheurs. Elle en a profité pour organiser un débat au siège du Modem sur cette réforme avec les différents acteurs de Sauvons la Recherche et Sauvons l’université. Son expertise dans ce domaine commence, progressivement à être reconnue. On la repère. Elle est dès lors intégrée à l’équipe de Marielle de Sarnez, vice-présidente du mouvement, en vue d’un rassemblement commun avec le socialiste Vincent Peillon à Dijon sur la question de l’enseignement. Au final, la France entière aura retenu l’arrivée remarquée de Ségolène Royal. Tout ça pour ça. Céline a bien trimé. Elle s’est coltinée les tâches ingrates et le travail de l’ombre. Notes, rapports, réunions. « Par moment cela me bouffe beaucoup de temps ». Elle explique qu’elle a appris à sélectionner les événements, à se préserver. « Sinon on fait un truc tous les soirs ». Sa devise ? Donner de son temps, tout en restant maitre de son temps.
Faire son trou
Les jeunes arrivants ont parfois du mal à refuser les tâches que l’on leur confie, de peur de ne plus être sollicités. Ils ont peur de décevoir. Etre un militant, c’est toujours devoir faire ses preuves. « L’ascension dans un parti c’est une démarche de motivation et de maturation. On teste ta fidélité, ta compétence » poursuit-elle. La politique s’ancre dans une démarche de long terme, on fait son trou dans le groupe, progressivement, il faut savoir se rendre utile, puis indispensable sur certains dossiers. Comme l’a fait Céline.
Poursuivant sa lancée, elle essaie d’intégrer la commission thématique du parti sur l’enseignement et la recherche. Peine perdue. Cela n’a pas fonctionné. « Rien n’a été fait pour instaurer un vrai dialogue, explique-t-elle, le concept de la commission, c’est trois personnes qui s’envoie des mails ! ». Ces « vieux mecs » du parti monopolisent les places clefs de l’organisation. Malgré cela, Céline se dit prête à continuer de participer aux débats sur l’éducation et la recherche. Avec, en ligne de mire, l’élaboration du programme du Modem pour l’échéance présidentielle de 2012. D’ici là, le modem lui aura trouvé, elle l’espère, une place bien à elle.
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