« La prostitution est rarement
un rêve de petite fille »
23e chambre correctionnelle de Paris.
Demba, 21 ans, pénètre dans le box la tête haute, malgré les deux colosses qui l’escortent menottes aux poignets. Il balaye la salle du regard et esquisse un sourire en découvrant que sa bande de copains de la Courneuve est là. Une demi-heure plus tard, Jin, un cinquantenaire seul et affaibli, entre dans la salle en s’appuyant sur ses béquilles. Même la Présidente semble avoir pitié de lui. « Vous pouvez rester assis » indique-t-elle. Peu de choses semblent rapprocher ces deux hommes. L’un est là pour trafic de stupéfiant, l’autre pour proxénétisme. Ils ont pourtant un même système de défense, ils auraient agi par nécessité.
Lucidité
Quatre mois après avoir quitté sa cellule, Demba se retrouve à nouveau devant la justice. À sa sortie, il retrouvait l’appartement familial et les difficultés du quotidien. Cinq frères et sœurs, un père malade, une mère au foyer. Il a replongé. Au cours du mois de mars, il est repéré en train de vendre de la drogue dans un hall d’immeuble du 10e arrondissement. La Présidente s’insurge. « Vous n’avez pas cherché du travail ? Vous n’avez aucun projet d’avenir ? » Il explique qu’il veut devenir éducateur sportif. « Avec le casier que vous avez ? Il faut être lucide !». Le Procureur enfonce le clou : « Vous êtes-vous au moins renseigné sur des formations ? Vous vous seriez rendu compte des conséquences désatreuses de votre casier ! » Ce dernier requiert dix mois de prison dont huit avec sursis. Affaire suivante.
Rêves d’enfants
Jin, 55 ans, est soupçonné d’avoir tenu à la disposition de trois compatriotes chinoises son appartement pour qu’elles se prostituent en échange de 10 euros par passe, ce qu’il conteste. Il leur demandait « seulement » de payer le loyer de son appartement de la rue de Belleville (10e). Il est accusé d’avoir maintenu des filles dans la prostitution en leur fournissant un toit. « La prostitution, entre nous, c’est rarement un rêve de carrière quand on est petite fille » assène le Procureur. « Je ne pense pas que Mr Jin ait rêvé d’être proxénète dans sa jeunesse » rétorque l’avocat. « Mon client était autant dans la misère que les prostituées qu’il hébergeait » poursuit-il. Dans le besoin, Jin s’est dit qu’il allait devenir marchand de sommeil, car « ça se fait à Belleville ». Jusqu’en octobre 2009, « il était valide, travaillait plus de dix heures par jour, mais son corps de cinquantenaire n’a pas suivi » explique son défenseur. « Il se retrouve hémiplégique, sans mutuelle, avec son loyer à payer. Qu’est ce qu’on fait après ? » questionne l’avocat.
Pour Jin, condamné à un an de prison avec sursis, l’après, ce sera le retour chez lui. Il va essayer de s’en sortir en faisant des petits travaux, des soudures à domicile. Pour Demba, la Présidente est allé au-delà du réquisitoire du Procureur. Dix mois de prison dont cinq avec sursis. Pour lui, l’après ressemblera pas mal à l’avant.
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