Conflit des retraites : On est tous le bloqueur de quelqu’un
« Succès » pour les syndicats. « Mobilisation en baisse » pour le gouvernement. Mardi, la sixième journée de mobilisation depuis la rentrée a réuni 3,5 millions de manifestants selon la CGT et la CFDT contre 1 100 000 manifestants pour le Ministère de l’Intérieur. Mais au-delà de l’habituelle querelle des chiffres, c’est la bataille des mots qui fait rage. Pour chaque partie du conflit, il s’agit de démontrer que le blocage est dans l’autre camp.
Du côté du gouvernement, on met en avant la radicalisation du mouvement, sa violence, ainsi que les blocages (stations-services, circulation) qui gênent la vie quotidienne des Français. Interpellé dans l'après-midi par les députés de l'opposition, François Fillon a condamné « l'intimidation, le blocage et la violence». Eric Woerth constatait également une radicalisation du mouvement. « La réponse est de maintenir l’ordre public. On a le droit de grève oui, le droit de bloquer non », martelait-il. Enfin, Luc Chatel, ministre de l’Education nationale, rappelait sur iTélé, aux lycéens et à leurs parents que « bloquer un lycée est dangereux », et que « la France n’a pas à être prise en otage ». Un gouvernement qui aimerait, en quelque sorte, prendre les rêves de Nicolas Sarkozy, d’une France en grève sans que personne ne s’en aperçoive, pour une réalité.
Pour les syndicats, au contraire, le blocage est du côté du gouvernement.Invité d’Audrey Pulvar sur Itélé, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière, déclarait que « le mouvement fera date » et pointait du doigt le gouvernement « qui joue le blocage ». « Ouvrez la discussion, c’est ça la démocratie », poursuivait-il. Bernard Thibault, a également appelé le gouvernement à « entendre l'ampleur de cette protestation » et à ouvrir « des négociations ». Un point de vue partagé par les ténors socialistes. « Nous avons tendu la main, on ne nous répond que par du mépris », déclarait Martine Aubry dans le cortège. « Le responsable de ces blocages aujourd'hui, c'est le président de la République (...) il est de la responsabilité du président de la République de dire : 'voilà, je me suis trompé, (...) j'organise un Grenelle des retraites", a commenté Claude Bartolone, mardi soir sur Europe 1. Du côté du NPA, Olivier Besancenot a dénoncé un gouvernement qui « ne lâche rien ». « Il prend la responsabilité du blocage, il prend la responsabilité de transformer la crise sociale en crise politique », a-t-il ensuite déploré.
Chaque partie semble vouloir camper sur ces positions. Reste à savoir qui craquera en premier. Si le gouvernement peut se réjouir de la désertion de certaines organisations syndicales, comme la CFE-CGC, le mouvement reste néanmoins soutenu par l’opinion publique comme le montre un sondage à paraître demain dans Libération. L’UNL et la Fidl, les deux principales organisations lycéennes, annoncent d’ores et déjà une nouvelle journée d’action pour jeudi. La guerre des mots aura surement de nouveau lieu.