Mamie Lucienne, une retraite sous les paillettes


Lucienne Moreau
Une retraite sous les paillettes


Après 40 ans de boulots précaires, cette comédienne révélée sur le tard, a trouvé dans Le Petit Journal de Canal+ un rôle à la hauteur de ses espérances : une drôle de mamie que l’on rêve tous secrètement d’avoir.



« C’était la soirée chic hier à Paris, une dégustation de Bordeaux à l’Hôtel Bristol… », scande l’expéditive voix off. En direct de la rue du Faubourg Saint-Honoré, pour la réception des Trois coups de l’Angelus, Le Petit Journal de Canal + a missionné son reporter de choc, Lucienne. Et tant pis si elle a une angine. « J’ai la voix cassée, mais on va quand même se la coller », annonce-t-elle en riant. Lucienne Moreau a l’apparence d’une septuagénaire, comme on en croiserait au marché du coin. Mais pas seulement. Une diction parfaite où chaque mot est prononcé bien distinctement, un sourire persistant d’où surgit de petites dents et des cheveux de fils blancs en petites boucles aussi régulières et abondantes qu’une perruque de clown. Autant d’atouts télégéniques. Lucienne passe entre les tables, enchaîne les bises pour transmettre ses microbes à Pierre Arditi, Nikos Aliagas et Stéphane Bern réunis pour l’événement. Avant de conclure par un « Ah oui… hein… ils sont complètement bourrés ces people « ! Mamie Lucienne est devenue l’une des stars de la chronique de Yann Barthès. Derrière son micro de speakerine, cette grand-mère rondelette présente une à deux fois par semaine son « Lucienne live report ».

Habillée très simplement d’un pull col roulé de laine rouge et d’un pantalon en coton beige, Lucienne reçoit ce mardi après-midi chez son amie Rita, dans la cuisine d’une confortable maison située entre la mairie et le Monoprix d’Argenteuil (Val-d’Oise). En réalité, Lucienne raconte qu’elle réside avec l’un de ses fils un peu plus loin dans le quartier d’Orgemont, « une cité, enfin, une résidence c’est comme ça qu’on doit dire aujourd’hui ». Elle préfère venir passer ses après-midi chez Rita, une ancienne employée du groupe TF1. Elles discutent en fourrant des fruits à la pâte d’amande, répondent aux appels sur leurs portables, et enfilent les verres de Pulco orange. Les deux amies se sont rencontrées il y a sept ans, quand le mari de Rita est tombé gravement malade. Lucienne l’a épaulée. A soixante-dix ans, la mamie pas encore cathodique proposait ses services de ménagère afin de compléter sa maigre retraite. Conséquence d’une vie de précarité.

Née en 1933 près de Laval en Mayenne, Lucienne grandit dans une famille d’agriculteurs. Traite des vaches, récoltes de fruits et des légumes… la jeune fille met la main aux pis. Son frère reprend l’exploitation, Lucienne doit partir trouver du travail. Elle tient une épicerie, à quelques kilomètres de là, dans le village de Rénazé, puis un bar à Laval. Dans les années 60, elle devient ouvrière dans les filatures lilloises, puis veilleuse de nuit à l’hôpital. De cette vie d’errance à la recherche de travail naissent cinq enfants. Deux d’entre eux seront volés par leur père et emmenés avec lui à l'étranger. Lucienne passera huit ans sans les voir. Une fois majeurs, ils se décideront à la rejoindre en France. En 1988, Lucienne part à la retraite. En 1992, c’est à Argenteuil qu’elle s’installe pour se rapprocher de sa progéniture, vivant en région parisienne.

En 1999, mamie Lucienne tombe sur une petite annonce, « dans un journal gratuit ! » aime-t-elle préciser. L’agence de mannequin Masters recherchait alors des séniors pour un casting. Ni une, ni deux, elle se présente. Banco. Figuration à la télé, petit rôle dans le film Qui a tué Bambi ? de Gilles Marchand en 2003 et surtout des publicités. Toyota, Vico enfin Cetelem pour qui elle joue la mamie-tricot. Elle rejoint aussi la bande de vieux Grolandais qui peuple l’émission  de Jules-Edouard Moustic, fait quelques apparitions dans la série H avant d’être recrutée par Le Petit Journal. «Financièrement, cela donne de beaux compléments », reconnaît-elle pudiquement. Chez Groland, on peut compter sur 90 euros brut par jour pour un figurant, 251 euros par jour pour un acteur. Dans la petite chambre touchant la cuisine, elle sort fièrement sur le lit les différents cadeaux ramenés de ses événements VIP. Un tablier de chef étoilé, du parfum, et un soutien-gorge bonnet C. 

Aujourd’hui, on la sollicite en moyenne deux fois par semaine. « Si c’est tard, j’y vais en taxi, mais sinon je prends les transports en commun ». Sur place, elle retrouve un cameraman, un preneur de son et une liste d’idées de bêtises et de choses à dire. « Ils me disent un peu quoi faire, mais j’improvise aussi! ». Et alors ils sont comment nos people ? « Tous vraiment sympa, s’enthousiasme-t-elle, sauf Bernadette Chirac, qui nous a complètement ignorés ! » Elle a sûrement dû voir en Lucienne une rivale potentielle. Mamie Lucienne préfère parler de ses petits chouchous : José Garcia, Pierre Arditi et Jean-Paul Gauthier. « Elle est très copine avec lui, il l’embrasse comme du bon pain ! », s’exclame Rita. « La prochaine fois, il veut même que je défile pour lui  », ajoute Lucienne en rougissant. Son rêve désormais, c’est de décrocher un rôle puissant à la Tatie Danielle.

« Lucienne a eu une vie toute simple, elle est née paysanne et désormais elle a ses entrées chez Chanel et Jean-Paul Gauthier », résume Rita. Une success story tardive, « mais vaut mieux tard que jamais » complète Lucienne. Après tout, comme le disait si bien Andy Warhol, « chacun a droit à ses 15 minutes de célébrité. » Avec Lucienne, cela dure juste un peu plus longtemps.

Texte & photos: Pauline Pellissier



En 5 dates
1933 Naissance en Mayenne
1988 Départ à la retraite
1992 Installation à Argenteuil
1999 Inscription dans une agence de mannequin
2010 Le Petit Journal sur Canal +




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