Chose vue - La pause de midi au Starbucks


12h45 au Starbucks Opéra. Ce n'est pas là que les parisiens viennent déjeuner. Les touristes sont là en masse, trahis par leurs cartes de Paris et leurs appareils photos déposés sur les tables.

L'ambiance est recherchée. Le Starbucks est réputé pour être cosy. Une musique jazzy, digne d'un resto chic, coupée parfois par le bruit des commandes. « Un grand Cappucino ». « Un expresso con Panna ». De larges rideaux rouges cramoisis, comme au théâtre, encadrent les grandes baies vitrées. Des lampes design biscornues diffusent une lumière tamisée orangée. On est loin des néons de certains chinois ou fastfood.

Personne au téléphone. Pas de rires tonitruants. Un événement. Ici on se tient bien, comme dans un salon de thé pour mamies. Celles-ci sont d'ailleurs présentes. Deux d'entre elles mangent seules à deux tables d'intervalle. L'une lit Le Portrait de Dorian Gray, l'autre avale goulument son gâteau crémeux en jetant des coups d'œil à droite à gauche.

Un cadre se pose dans l'un des grands fauteuils. Caffé Latte. IBook posé sur ses genoux. Plus loin, une jeune femme, la trentaine, mélange sa salade crudité sur ses cuisses. Pas facile de manger sur une table basse. Deux jeunes anglaises traversent la salle leur caramel macchiato à la main, à la recherche des toilettes.

Les trois derniers fauteuils sont pris d'assauts par deux femmes et un bambin. Deux thés verts et des biscuits dans une tasse Starbucks. Pour faire comme maman. Quelques minutes plus tard, il a déjà enlevé ses chaussures et se ballade sur le parquet. Comme à la maison.


Confessions intimes


Dépassés, les péchés murmurés à l'oreille des curés. Révolu, le confessionnal de Loft Story où les participants venaient se confier, donner leurs premiers sentiments, parler un peu beaucoup d'eux-mêmes dans un cadre intimiste. Aujourd'hui, la mode est aux aveux virtuels. De nombreux sites participatifs, comme leconfessionnal.com, ont ouvert ces dernières années, permettant à tout un chacun de faire se propre e-thérapie : vider son sac de manière anonyme et soulager sa conscience.

Tout est parti de javoue.com créé en 1998 par Daniel Latif, qui n'avait que 14 ans à l'époque. Le concept, c'est de venir avouer tout ce que l'on a sur la conscience et de lire les aveux des autres, classés sous différentes catégories. Il y a les «bêtises», les «amours», les «adultères» et les «inclassables». Véritable confessionnal en ligne, le site a été consacré «site le plus personnel» par les internautes de Yahoo! en juin 2005. Petit aperçu des meilleurs confessions.
En 2006, le site à double facette jaimetrop.com et jaimepas.com a suivi. Le concept est simple : deux défouloirs sont réservés à vos coups de coeur et à vos coups de sang. Certaines pépites comme « J'aime trop me tourner les pouces. Mais ça fait mal quand on le fait trop... » valent quand même le détour.

« Aujourd'hui, j'étais au supermarché avec mon fils de deux ans. Arrivés à la caisse, il hurle à plusieurs reprises : " Papa, papa ! On a oublié les capotes ! " Effectivement, nous avions oublié les compotes... VDM » (dessin: Obion)

Vie de merde : la success story

En 2008, soit dix ans après javoue.com, la plateforme viedemerde.fr est créée.
Ce site défouloir permet de faire partager, à travers de petites anecdotes, les malheurs de notre vie quotidienne. Après s'être délecté de ces déclarations amusantes, le lecteur peut voter de deux manières différentes : soit en validant que « c'est vraiment une vie de merde » (VDM) soit en accusant l'auteur de « l'avoir bien méritié ». Dans le top ten VDM se trouve le puceau de 45 ans, de nombreux cocus et beaucoup d'incompris.

Revenons sur l'histoire de ce succès. Le 10 janvier 2008, le nom de domaine «viedemerde.fr» est acheté. Deux jours plus tard, la toute première version du site voit le jour. Il s'agit alors d'un mini-blog qui contient une poignée d'anecdotes, de private jokes rassemblant quelques amis. Un mois après son lancement, le site enregistre déjà un millier de visites par jour grâce à un bouche-à-oreille sans précédent. Après avoir été évoqué par Libération, Europe 1, Le Mouv', le nombre de visites s'envole. Le 21 avril 2008, les créateurs du site sont invités sur le plateau du Grand Journal de Canal+. C'est un tournant dans l'histoire du site qui atteint 200 000 visites quotidiennes en mai. A Noël, le livre «Viedemerde» sort, et arrive en tête du classement des ventes d'amazon.fr.

Le site dérivé anglophone connaît plus de difficultés. Intitulé au départ TodayShitHappens puis WhataFAIL, le site ne décolle pas. Il change une dernière fois de nom pour s'appeler FmyLife.com. Grâce au Los Angeles Times, qui fait connaître le concept outre-Atlantique, le site anglophone décolle enfin pour atteindre plus de 100 000 visites quotidiennes.

Le bon filon

Cette success story fulgurante a donné des idées à bon nombre d'internautes qui ont ouvert des sites calqués sur le même modèle. Parmi ces nombreuses déclinaisons, le site amateur Jourdemerde.com qui permet de «raconter vos sales journées et relativiser» ou FêteDeMerde.com, qui recueille tout ce qui a pu arriver de pire à l'occasion d'une fête. Ce site se fout que vous ayez fait un lâché de colombes à votre mariage, ce qui les intéresse, c'est que ces dernières ont «lâché un superbe cadeau sur la belle robe blanche de la mariée». Dans le même genre, Grosrateau.com est dédié à celles et ceux qui n'ont pas peur de faire partager au web les plus «belles humiliations» de leurs quêtes amoureuses.

« Aujourd'hui, je vais sur l'ordi de ma mère et cherche dans l'historique un truc que j'ai regardé il y a deux semaines. Je suis tombé sur un site porno où elle met des photos d'elle! VDM » (dessin: Martin Vidberg)

Les ados ne sont pas en reste avec Lahonte.fr pour raconter le pire du pire ou Coursdemerde.com si «comme moi tu en as marre des cours de merde ou que tes profs te font chier», tandis que Ségolène pourrait rajouter à ses favoris le site communautaire participatif Fautquecachange.fr qui propoe aux internautes d'exprimer leurs revendications politiques. Les déclinaisons sont infinies et s'étendent au monde du travail. Du mec travaillant en offshore où c'est pire que Fleury-Mérogis parce qu'il n'y a pas la télé, à celle dont les clients demandent s'ils peuvent payer en nature, jobdemerde.com permet de partager ses galères au boulot, voire de se défouler en décrivant ses collègues les plus insupportables. Dans la même lignée, Voisins-de-merde.fr, site créé par une société de développement de supports Internet, pour « faire un max de fric en surfant sur la vague des MachinsDeMerde ». En effet, le site récolte au moins 150 euros par jour grâce aux pubs disséminées un peu partout. C'est aussi l'occasion, pour la société Vanilla de se faire un petit challenge en développement et en « buzz-street-marketing-viral ».
Késako ? Leçon expresse de marketing. Le buzz est une technique consistant à faire du bruit autour d'une nouvelle offre. Le « marketing viral » est une forme de publicité à la diffusion de laquelle le consommateur contribue, comme le bouche-à-oreille. Tandis que le street marketing consiste généralement à créer l'événement, à surprendre et à rapprocher la marque des consommateurs afin de faire passer des messages alternatifs à travers la mise en place d'animations interactives destinées à marquer leurs esprits.

Exemple-type de mise en application, la création du site ratersavie.com, qui s'inspire de la désormais célèbre déclaration de Jacques Séguéla : « Si à 50 ans on n'a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie ». Le site permet de décliner cette phrase à l'infini, même si Nicolas Sarkozy semble être la cible préférée des internautes.
On peut parier que ce concept de faire le buzz à tout prix fera l'objet de nombreuses reprises par des agences de communication. Peut-être que des hard-discounters lanceront leur site promo intitulé crisedemerde.com, Meetic son celibatdemerde.com, tandis que les avocats ou les notaires se contenteront d'un familledemerde.fr. Apparemment, de nos jours, si à 25 ans on n'a pas créé un site inutile, on a quand même raté sa vie !

Revue de Presse


And the winner is... personne !

Le prix Mo Ibrahim de la bonne gouvernance qui récompense d'anciens dirigeants africains n'a pas trouvé de lauréat.

Ce prix éponyme a été lancé en 2007 par le magnat des télécoms, Mo Ibrahim, un britannique d'origine soudanaise. Il permet de « reconnaître les réalisations des dirigeants africains et de fournir un moyen pratique permettant aux dirigeants africains de témoigner de leurs actions positives sur le continent » (Fondation Mo Ibrahim). Cette distinction, renommée le Nobel Africain par The Independent, est la récompense individuelle la mieux dotée au monde. Le lauréat reçoit 5 millions de dollars échelonnés sur 10 ans puis 200 000 dollars annuels à vie.

Une telle décision révèle un cruel manque de candidats crédibles. Comme l'explique The Times, ce prix ne peut être remis qu'à d'anciens chefs d'Etat ayant quitté le pouvoir il y a moins de trois ans. Dur à trouver dans une Afrique où la plupart des chefs d'Etats sont au pouvoir depuis des décennies. Libération de son côté, passe en revue les événements « déprimants » de l'année 2009 en Afrique: Coups d'Etat (Mauritanie, Madagascar, Guinée), processus électoraux inexistants (Gabon, Côte d'Ivoire, Nigéria), guerres persistantes (Somalie, RDC, Soudan...).

Trois personnalités étaient néanmoins pressenties comme favorites. L'ancien président sud-africain, Thabo Mbeki, le Nigérian Olusegun Obasanja et le Ghanéen John Kufuor.
Aucun d'entre eux n'est parvenu à faire l'unanimité. Selon l'AFP, le comité n'a pas révêler les raisons de ce résultat, en raison de la confidentialité des délibérations. Les différents journaux apportent un éclairage sur ses personnalités contestées.

Thabo Mbeki reste un personnage controversé. Fidèle soutien de Robert Mugabe, il a remis en question le lien entre le Sida et la mort de 300 000 Sud-Africains. Oluegun Obasanjo a présidé le Nigéria pendant 8 ans sans pour autant réduire la corruption ou la pauvreté qui touche le premier exportateur de pétrole africain. John Kufuor a, quant à lui, quitté la tête du Ghana aprés deux mandats, permettant une deuxième transition démocratique réussie. Une première. Il n'a pas pour autant été épargné, lui aussi, par les suspicions de corruptions.

De son côté, le journal sud-africain Business Day fait part de l'étonnement de certains experts, qui pensent que le prix devrait être un encouragement à la bonne gouvernance et non un aboutissement. « La manière dont je le vois, c'est un peu comme le Prix Nobel remis à Obama » explique le responsable d'un programme sur l'Afrique.

En 2008, ce prix avait été remis par Kofi Annan à l'ancien président botswanais, Festus Mogae. Une émission, Inside Story de la chaîne Al Jazeera English, avait été consacré à la remise de ce prix.