Amérique latine : le continent qui produit des présidentes
« Historique ». Dimanche, le Brésil célébrait l’élection de Dilma Rousseff, la nouvelle présidente. Une première dans ce pays mais non en Amérique latine. Le continent a connu depuis les années 70 une pléiade de femmes présidentes. Aujourd’hui, c’est encore, après l’Europe, le continent où il y a le plus de femmes au pouvoir. Mais cela ne suffit pas à endiguer le fameux machisme latino-américain. Décryptage.
Sur les neuf femmes présidentes dans le monde, trois le sont en Amérique latine : Cristina Kirchner, en Argentine, Dilma Rousseff au Brésil et Laura Chinchilla, au Costa Rica. Un véritable paradoxe au premier abord, car comme l’explique l’historien Claude Morin, dans son article, "L'Amérique latine et les femmes" publié en 1996 dans les Cahiers d'histoire, «d’un point de vue féministe, ce continent fait figure d’épouvantail, c’est le lieu de prédilection du machisme, de la domination paternelle et maritale, du contrôle clérical, de la fécondité exubérante ».
Pourtant, si on analyse les conditions d’accession de ces femmes au pouvoir, on comprend que l’empreinte machiste n’est jamais bien loin. En effet, la plupart du temps, ces femmes sont devenues présidentes dans des situations exceptionnelles, lors de crises politiques. Elles sont alors désignées et exercent le pouvoir de manière temporaire. C’est le cas d’Isabel Perón, qui, après avoir occupé la Vice-présidence, assume la Présidence de l’Argentine entre 1974 et 1976, à la mort de son mari, Juan Perón. En Bolivie, Lidia Gueiler fut désignée présidente en 1979 par le Parlement, avant d’être renversée par un coup d’Etat militaire huit mois plus tard. Même destin pour Ertha Pascal-Trouillot qui exerça la présidence haïtienne en 1990, pendant moins d’un an, le temps d’organiser des élections générales. Enfin, en Equateur, Rosalia Artega occupa en 1997 la présidence, au titre d’un mandat conféré par le Congrès, pour une durée de trois jours seulement !
Le devoir conjugal
Cristina Kirchner |
En dehors de ces situations d’exceptions, si certaines femmes ont réussi à être élues à la plus haute fonction, c’est souvent en tant qu’héritières. C’est le cas de Violeta Chamorro, la première femme à accéder, lors d’élections en 1989, à la présidence d’un pays latino-américain, le Nicaragua, grâce au capital politique et à la popularité de son mari assassiné. Janet Jagan, élue en 1997 à la présidence de la Guyane, marcha également dans les pas de son mari Cheddi Jagan, lui même président entre 1992 et 1997. Même histoire : celle de Mireya Moscoso, présidente du Panama en 1996, après que son mari, ait lui même exercé cette fonction. Ainsi comme l’explique Claude Morin, pendant longtemps, en Amérique latine, « l’histoire politique n’accordait pas de place aux femmes, à moins que ce ne soit comme épouse ou maîtresse.»
En Argentine, ce n’est pas pour rien que Cristina Kirchner est surnommée « La Hillary Clinton » du pays. Son élection à la tête de l’argentine en 2007, s'inscrit dans la prolongation des politiques nationales entreprises par son prédécesseur de mari. En quatre ans de présidence, Nestor Kirchner est devenu très populaire : Il a réussi à sortir le pays de l'impasse économique en réduisant la pauvreté de moitié et en restaurant l'autorité de l'État. Un côté « femme de » totalement assumé par Cristina Kirchner qui affiche une féminité exacerbée. Vêtements de luxe colorés, maquillage, injections de botox et de silicone. « Une belle poupée » pour ses détracteurs qui remettent en cause ses compétences politiques. Le machisme a encore la vie dure au pays du tango.
Une guérillera liftéee
Le 31 octobre 2010, Dilma Rousseff réussit l’exploit d’être élue première présidente du Brésil, sans avoir jamais accompli le moindre mandat électoral. Dilma doit amplement sa victoire au fait, qu’elle est « la candidate de Lula ». Une réussite qu’elle doit entièrement à son pygmalion. C’est lui, en 2003, qui la nomme ministre des Mines, puis chef du cabinet présidentiel en 2005, ce qui fait d’elle une sorte de premier ministre officieuse. Les commentateurs politiques s’interrogent sur les intentions de Lula qui pourrait avoir envie de se représenter en 2014. "Dilma exercera-t-elle de fait le pouvoir ou gardera t-elle au chaud le fauteuil de Lula ?", se demande même le quotidien brésilien Globo au lendemain de l’élection. Entièrement relookée pour la campagne, elle aurait eu recours à la chirurgie esthétique afin de rajeunir et d’adoucir ses traits de « dame de fer ». Une étape qui semble obligatoire au pays de la chirurgie esthétique.
Michèle, la vraie rupture
« Je suis une femme, socialiste, victime de la dictature, séparée et agnostique : j’ai cinq péchés capitaux… mais nous travaillerons bien ensemble ! ». Ainsi se définissait Michèle Bachelet en 2005 devant les hauts gradés de l’armée alors qu’elle devenait ministre de la Défense. Un profil qui ne cadre pas avec les représentations traditionnelles des femmes politiques. Pour Bérengère Marques-Pereira professeur de sciences politiques à l’Université Libre de Belgique, « l’élection de Michèle Bachelet à la présidence du Chili en 2006 constitue une vraie rupture car elle est élue dans le cadre d’une continuité démocratique et elle dispose de son capital propre ». Selon elle, Michèle Bachelet a mobilisé, lors de l’élection, l’image de la mère. Une mère ancrée dans la société, aux préoccupations maternelles quotidiennes. « Cela participe certainement d’un ancrage dans un maternalisme », poursuit Bérengère Marques-Pereira dans l’article « Les femmes latino-américaines dans les exécutifs nationaux » publié dans la revue Histoire Politique en 2007. Une explication que l’on retrouve également dans l’analyse de Claude Maurin : «Une femme accède au pouvoir quand elle tend à se comporter comme une ‘ surmère ’, à la différence des hommes et de nombre de femmes au Nord qui exercent le pouvoir à la façon des hommes, de manière castratrice ».
Michèle Bachelet a prouvé qu’en Amérique latine, une femme peut désormais être élue, démocratiquement, sans l’appui d’un mari ou d’un mentor. Elle a ouvert la voie. Digne représentante de cette nouvelle génération de présidente, Laura Chinchilla, élue en février 2010 au Costa-Rica.
Les femmes au pouvoir dans le monde en 2010
Amérique centrale et latine
Cristina Kirchner, Présidente de l’Argentine depuis décembre 2007
Laura Chinchilla, Présidente du Costa Rica depuis mai 2010
Dilma, Candidate à l’élection présidentielle brésilienne de 2010
Kamila Persad-Bissessar, chef de gouvernement de Trinité & Tobago depuis mai 2010
Asie
Pratibha Patil, Présidente de l’Inde depuis juillet 2007
Roza Otounbaïva, Présidente du Kirghizstan depuis mai 2010
Sheikh Hasina Wajed, chef de gouvernement au Bengladesh depuis janvier 2009
Océanie
Julia Gillard, chef du gouvernement australien depuis juin 2010
Afrique
Ellen Johnson Sirleaf, Présidente du Liberia depuis janvier 2006
Europe
Angela Merkel, chef du gouvernement allemand depuis
Mary Mc Aleese, Présidente de l’Irlande depuis 1997
Tarja Halonen, Présidente de la Finlande depuis mars 2000
Kiviniemi, Premier ministre de la Finlande depuis juin 2010
Dalia Grybauskaité, Présidente de la Lituanie depuis juillet 2009
Jadranka Kesor, Premier ministre de la Croatie depuis juillet 2009
Jóhanna Sigurðardóttir, Premier ministre de l’Islande depuis février 2009
Iveta Kodicova, Premier ministre slovaque depuis juillet 2010
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