En état de manque, après plusieurs jours passés en prison, Saïd, 44 ans, pénètre dans la salle du palais de justice de Lyon. Un défilé de comparutions immédiates est au programme ce mardi après-midi. Saïd est gravement malade. Diagnostic : alcoolodépendance.
Saïd a déjà comparu le 16 octobre dernier, au lendemain d’un vol de bouteilles de vin au magasin Ed d’Oullins, la ville où il réside. En réalité il y a eu deux tentatives de vol. Le premier jour, il tente de voler trois bouteilles de vin, avant que la caissière ne s’en aperçoive et les retire de son cabas en lui demandant de ne plus remettre les pieds dans le supermarché. Le lendemain, il revient et adopte une autre tactique, cacher les bouteilles dans son pantalon. Là encore il est repéré. Un client essaie de discuter avec lui et de lui faire payer les bouteilles. En vain. Il explique qu’il a soif et s’enfuit avec son maigre butin. Comme si n’on allait pas le reconnaître. Ivre au moment des faits, Saïd ne se souvient plus avoir volé.
Un mois plus tard, le revoilà devant la Cour. Il a bénéficié d’un délai pour préparer sa défense. Un mois déjà qu’il dort en prison. Il reconnaît tout de suite qu’il a un problème. « Je bois et je suis suivi par un psychiatre » explique-t-il avant de minimiser les faits. Pour lui, ce vol « c’est de la gaminerie ». Peine perdue car son casier judiciaire est déjà bien rempli. 16 condamnations, toutes liées à ses problèmes d’alcool, des vols, des violences, certaines sur sa femme, délits de fuite, conduites sous l’emprise de l’alcool… Son permis lui a d’ailleurs été retiré en 2002. C’est que les choses allaient déjà mal. Sa vie s’est ensuite enfoncée dans la spirale de l’alcool. Divorcé depuis 2006, ses quatre enfants vivent désormais chez leur mère. Sans emploi, il est aujourd’hui SDF et passe parfois chez ses parents pour récupérer son courrier. Saïd a connu la prison ferme, après les menaces de sursis et les mises à l’épreuve. Sorti de détention en juillet 2009, il vit aujourd’hui grâce à ses 900 euros d’Assedic.
La Cour admet que les mesures prises par le passé sont inefficaces pour prévenir la récidive. Elle doit pourtant juger ce malade, peu conscient de ses gestes, mais dangereux pour la société dont il se permet d’enfreindre les règles. « Vous aimez ce qui est bon » plaisante le président de la Cour en parcourant des yeux le dossier du prévenu et la liste des produits volés. Un total de 36 euros, pour dix bouteilles volées. L’avocate de Saïd s’indigne. La cinquantaine, le président a une tête de bon vivant. Peut être est-il lui-même amateur de vin. « Vous n’êtes pas le seul à avoir des problèmes avec l’alcool », annonce-t-il « mais payez au moins vos bouteilles ! ». Il poursuit : « Ce qui est inquiétant ce n’est pas les faits, mais la récidive, surtout à votre âge ».
L’avocate de Saïd, une jeune trentenaire débutante, cherche ses mots. Elle explique que si elle n’a rien à dire sur les faits, le préjudice en lui-même est minimal. Son client a besoin de soins avant tout. Elle ajoute enfin que ses quatre enfants ont besoin de leur père, et qu’il faut en tenir compte. Reste à savoir si la Cour sera sensible a ce genre d’arguments. Qui pourrait rêver d’un papa comme ça ?
Verdict : deux mois d’emprisonnement ferme. « Au moins pendant ce temps-là vous n’ennuyez personne » ajoute le juge. Un élément de plus accolé à son CV d’alcoolique.
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